Le Cercle Belfond
La Working Girl

Rencontre avec Carine Verschaeve, responsable éditoriale chez Belfond

En relançant le blog en mai 2020, j’ai choisi d’étendre ma ligne éditoriale et de vous parler du milieu de l’édition dans lequel j’évolue depuis plusieurs années. Pour l’occasion, j’ai eu envie de vous présenter certaines personnes qui y travaillent, et de mettre en avant les femmes. Le milieu de l’édition comprend 80% de femmes… ne serait-ce pas l’occasion parfaite de mettre en avant leur travail ?

Ces dernières semaines, j’ai proposé à Carine Verschaeve de me parler de son métier. Je connais Carine grâce à la collection du Cercle dont elle est l’éditrice, et pour laquelle j’ai été lectrice ambassadrice il y a quelques années. Aujourd’hui, elle répond à quelques questions concernant sa vision du métier !

 

Peux-tu nous résumer ton parcours en quelques mots ? Depuis combien de temps travailles-tu pour les éditions Belfond ?

Je fais partie de ces personnes qui ont su très tôt ce qu’elles voudraient faire dans la vie. Dès l’âge de douze ans, je me suis renseignée sur les études recommandées pour être éditrice et j’ai suivi chacune de ces étapes, que j’avais notées sur un petit bout de papier, tout au long de mon cursus scolaire, sans me poser trop de questions – ce qui, avec le recul, me semble totalement fou et naïf !

Tout le monde me disait que ce serait difficile d’intégrer ce milieu sans réseau ni nom, ce qui était mon cas avec des parents commerçants. C’est vrai que c’est difficile, qu’il faut s’accrocher comme dans tous les milieux de la culture. Mais quand ça vaut le coup. J’ai enchaîné les stages et les petits boulots pendant trois ans dans plein de maisons très différentes, d’ETAI, une marque spécialisée dans les beaux livres sur les véhicules, à Pocket Jeunesse, au moment du lancement d’Hunger Games, en passant par les guides de voyage Gallimard et les ouvrages de sciences humaines (ma vocation première).

La chance m’a souri de manière inattendue quand j’ai répondu à une offre d’assistante éditoriale chez Belfond, pour le domaine étranger, dirigé alors par Françoise Triffaux à qui je dois énormément. Curieusement, je n’avais jamais envisagé de travailler dans une maison littéraire. Pourtant, presque onze ans plus tard, me voici toujours chez Belfond, une jolie maison où l’on se sent bien, avec une équipe de choc et des auteurs incroyables, où je m’occupe désormais de deux collections, le Cercle et Belfond noir.


Aujourd’hui, tu édites principalement des romans étrangers. Qu’est ce qui te plaît beaucoup dans le fait de travailler sur des livres venus d’ailleurs ?

C’est certainement idiot ce que je vais dire, mais travailler au sein d’un domaine de littérature étrangère, c’est comme ouvrir plein de fenêtres sur le monde littéraire. Les décors, les thématiques, les enjeux sociétaux, culturels et même les personnages sont différents en littérature étrangère. Par ailleurs, ce travail sur la langue me plaisait beaucoup. J’aime beaucoup la langue anglaise ; lire des romans en VO pour décider de leur éventuelle passage en VF a un côté ludique très intéressant. C’est comme une formation en langue étrangère intensive.

Bien que je ne sois pas traductrice, j’en apprends tous les jours sur le style infini des langues avec lesquelles nous cohabitons. Chacune a ses spécificités. Trouver leur voix française, voir cette matière prendre une forme nouvelle est un plaisir. J’adore me dire que, à notre petit niveau, nous, les éditeurs, pouvons faire découvrir des choses au public français. Quand celui-ci adhère, la joie est totale !

Petite nouveauté : j’ai désormais le plaisir de pouvoir ouvrir la collection Belfond noir à des voix françaises et francophones. Un nouveau terrain de jeu à parcourir.

 

En 2017, tu as décidé de relancer la collection du Cercle Belfond, notamment avec une nouvelle charte. Peux-tu nous présenter cette collection, quelles sont ses caractéristiques ?

La collection du Cercle Belfond n’existait effectivement pas sous ce nom avant 2017. C’est une collection de littérature qui s’appuie sur des auteures présentes de longue date au catalogue, comme Katherine Scholes ou Hannah Richell, ainsi que sur de nouvelles voix, comme Renée Rosen ou Balli Kaur Jaswal.

Belfond a toujours eu cette tradition romanesque. Rappelons que nous sommes l’éditeur du bestseller Les oiseaux se cachent pour mourir de Colleen McCullough et du Pêcheur de coquillages de Rosamunde Pilcher, des titres qui ont marqué les années 1980 et ont ouvert la voie à d’autres grandes romancières, comme Belva Plain et, dans un autre style, Sophie Kinsella.

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Notre souhait était de réunir ces textes au cœur d’une collection dynamique et participative, associée à un lieu d’échange où lectrices, lecteurs et auteures pourraient discuter des romans et de leurs thématiques. D’où l’association d’un book club sur Facebook, Le Cercle des lecteurs Belfond.

 

Le Cercle Belfond

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Justement, au sujet du Club des Lecteurs Belfond : comment as-tu eu cette idée de club de lecture virtuel sur Facebook avec des blogueuses partenaires ?

L’idée m’est venue d’amis qui se rassemblaient dans leur quartier, avec quelques voisins, pour discuter littérature un soir par mois. J’ai trouvé ça vraiment génial de voir que chacun prenait le temps de lire à fond le roman choisi et semblait prendre un réel plaisir à échanger.

L’avantage avec les réseaux sociaux, c’est qu’on peut se rassembler à plusieurs sans contraintes géographique ni linguistique. C’est quand même formidable d’avoir un lieu où discuter d’une lecture commune, pendant tout une journée, avec des inconnus, mais aussi avec l’auteure qui, bien souvent, vit à l’autre bout de la planète ! Parler avec Katherine Scholes, qui vit en Tasmanie, ou Renée Rosen, qui vit à Chicago, c’est une chance que nous donnent les technologies actuelles. Et quand je vois l’enthousiasme des lecteurs à retrouver le book club après tous ces mois de confinement, je me dis que ce « lieu » de discussion a vraiment du sens.


Le Cercle est une collection dite de “littérature féminine”. C’est souvent un terme qui a été mal vu, qu’on associe peut-être encore facilement aux romans à l’eau de rose. Trouves-tu cette catégorisation pertinente, et si oui, quelles sont pour toi ses caractéristiques ?

Ah, délicate question que celle-ci… Moi je ne fais pas de classification dans la littérature. Il y a des histoires qui sont bonnes et d’autres qui ne le sont pas ou, en tout cas, qui ne nous séduisent pas. C’est comme ça. Il en va de la littérature comme des goûts et des couleurs : on ne peut pas plaire à tout le monde dans le vaste monde des lettres.

Il faut se méfier des catégorisations et, en particulier, de ce que certains nomment « littérature féminine », en se pinçant la bouche, comme s’il s’agissait d’un gros mot. Qu’on l’appelle littérature féminine, romanesque ou grand public, ce genre est extrêmement exigeant, protéiforme et s’adresse à des publics variés, de tout âge, de toute classe sociale et de tout genre (car, oui, il y a des hommes qui lisent et aiment ces romans, et ils sont de plus en plus nombreux à le revendiquer).

Mon travail et celui de toute l’équipe Belfond a toujours été de défendre ces textes. Nous avons dans notre catalogue des auteurs qui ont un talent hors du commun, qui savent emporter leur lecteur, parler d’aujourd’hui et d’hier, aborder des sujets souvent délicats avec beaucoup de finesse ; les émotions sont toujours au rendez-vous car ce sont des livres qui ne laissent jamais indifférent. Ces qualités sont essentielles pour faire un bon roman et certains ont tendance à l’oublier.


La collection comporte quasiment exclusivement des romans écrits par des femmes. Est-ce un choix délibéré ? Trouves-tu que les femmes ont-une façon différente d’écrire, ou abordent des sujets différents ?

Oui, c’est un choix éditorial assumé. Nous avons une âme féministe chez Belfond et nous souhaitions mettre en avant au catalogue ces textes écrits par des femmes, mettant en scène des personnages forts, souvent féminins. Je ne pense pas que les femmes aient plus de sensibilité que les hommes, mais elles abordent souvent les choses d’une manière différente, sans caricature. Et puis je pense que c’est crucial à notre époque d’avoir des héroïnes, des repères littéraires qui représentent les femmes dans toute leur complexité, leur force, leur courage, sans pour autant mépriser les émotions qui les traversent.

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Moi, j’aime toutes les héroïnes de ces romans et toutes les auteures qui ont construit leurs histoires. Ces dernières œuvrent pour nous, lectrices et lecteurs, en s’évertuant à remplir notre quotidien d’une grande richesse d’émotions.


Penses-tu que les livres dits “de littérature féminine” se doivent aujourd’hui d’être féministes ?

C’est délicat de répondre pleinement à cette question. La diversité des courants féministes est complexe et je ne me sentirais pas à l’aise d’aborder la littérature sur un plan uniquement politique ou philosophique. Néanmoins, oui, je pense que quoi que l’on fasse, il est important de garder à l’esprit de défendre les femmes, les auteures comme leurs personnages, pour ce qu’elles nous apportent. Ouvrir un roman, pouvoir y lire la diversité de notre monde et les enjeux de notre temps me semble très important, qu’importe le genre littéraire, d’ailleurs.

 

Enfin, la question impossible : si tu ne devais qu’en retenir qu’un (ou deux en trichant un peu), quel roman de la collection nous conseillerais-tu ?

Tous, évidemment. Trancher entre des romans c’est comme devoir choisir entre ses enfants, c’est impossible, surtout quand on est éditrice. Néanmoins, pour suivre ce qui s’est dit plus haut, il y a deux romans très riches qui traitent de façon originale la question du féminisme : Park Avenue Summer de Renée Rosen, sorti l’été dernier, et Héroïnes de Sarah-Jane Stratford, qui fait son entrée dans la collection le 1er avril. Des histoires de femmes combatives, intelligentes, sous-estimées, qui vont tout renverser, même l’Histoire.

 

Merci à Carine d’avoir pris le temps de répondre à mes quelques questions ! Si vous suivez le blog depuis un petit moment, vous savez que j’ai souvent défendu les titres de cette collection, que j’ai bien souvent adorés.

Mon dernier chouchou en date : Le Chant de la rivière d’Hannah Richell.

Et vous, avez-vous déjà lu des romans de cette collection ?

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