La Lectrice

Revue : Madison Square Park – Abha Dawesar

Titre : Madison Square Park

Auteur : Abha Dawesar

Editions : Héloïse d’Ormesson

Date de publication : 07 avril 2016

Nombre de pages : 336

Quatrième de couverture : Enfant, Uma a quitté son Inde natale pour les États-Unis. À trente ans, elle habite New York avec Thomas. Pour protéger leur relation, elle cloisonne sa vie en gardant à distance le poids d’un passé qu’il ne faudrait surtout pas remuer. Mais le jour où elle apprend qu’elle est enceinte, ce fragile équilibre bascule.
Madison Square Park est une tragi-comédie sur fond de quête identitaire. Abha Dawesar y explore le devenir-femme par le dépassement de lourds héritages qui s’inscrivent jusque dans les gènes. Elle offre à ses personnages une liberté toujours vacillante – entre repli sur soi et ouverture à l’autre –, où seul triomphe l’acharnement à vivre et à aimer.

Mon avis : J’ai reçu ce livre en format e-book de la part des éditions Héloïse d’Ormesson assez récemment, dans le but de rencontrer l’auteure, Abha Dawesar suite à ma lecture. Ma copine Carnet Parisien m’avait proposé de l’accompagner et j’ai accepté sans trop hésiter.

A vrai dire, j’ai commencé la lecture de ce livre sans trop savoir de quoi il s’agissait et j’ai d’emblée été très surprise. Je lis beaucoup de contemporains, mais très peu parlent d’autres continents que l’Europe ou l’Amérique du Nord. Aussi, j’ai été très contente de voir que nous allions ici découvrir une histoire à mi-chemin entre les Etats-Unis et l’Inde. Plus que la découverte d’un pays en elle-même, ce que j’aime beaucoup dans les romans, c’est la confrontation de deux cultures, l’échange. Or ici, il y a de quoi faire.

La quatrième de couverture est assez parlante. Uma est une jeune femme new-yorkaise qui réussit très bien sa vie : elle est en couple avec Thomas depuis cinq ans et tout va pour le mieux entre eux, elle a un emploi dans une banque et pour lequel elle est reconnue, elle aime sa ville… Cependant, elle traîne un lourd fardeau : sa famille indienne, mais surtout ses parents, qui lui empoisonnent la vie. Ils sont médecins et ont émigré des années de cela à New York, et mènent la vie dure à Uma. Ils ont toujours voulu qu’elle se marie avec quelqu’un qui leur conviendrait, ils veulent qu’elle reste sous leur emprise. Le couple des parents est on-ne-peut plus malsain, et Uma a totalement peur d’eux. Alors qu’elle tombe enceinte, Thomas veut qu’elle leur avoue enfin sa situation (de couple et de future maman). Mais celle-ci a trop peur des représailles…

“Notre salon était un marché où s’appréciaient offres et enchères. Malgré l’opulence des sols en marbre et des canapés inclinables en cuir, j’avais l’impression d’être une tête de bétail que s’échangeaient deux tribus nomades.”

Le livre est composé de plusieurs parties qui viennent s’entremêler : il y a tout d’abord les passages de narration à New York, souvent du point de vue d’Uma, mais aussi du point de vue de Thomas, qui a un rôle important dans l’histoire, et de nombreux passages en italique où Uma revient sur différents épisodes passés, avec ses parents ou sa famille, en Inde ou à New York. J’ai beaucoup aimé cette construction, qui permet à la fois de découvrir la vie d’Uma et de sa famille sous de nombreux aspects, et qui met en lumière les différences entre la culture indienne et la culture américaine.

Pour le dire très simplement, j’ai adoré ce livre. Je l’ai lu quasiment d’une traite, j’ai été transportée par le destin d’Uma et je voulais savoir ce qui allait lui arriver. Je sais que Carnet Parisien a été assez ennuyée par ce livre, car elle trouvait qu’Uma était totalement passive et elle voulait la secouer. Chose que je comprends, et j’imagine que beaucoup de lecteurs ressentiront la même envie. Personnellement, j’ai trouvé que l’auteur essayait au contraire d’aller au fond des choses, et montrait que le poids des traditions familiales était tel qu’Uma était de toute façon prise au piège. Les passages qui se déroulent en Inde m’ont aussi beaucoup plu. J’ai eu le sentiment de voyager au fil des pages. Lors de la rencontre avec l’auteure (sur laquelle je reviendrai avec un autre article), elle a montré combien l’espace était au centre de la création de ses livres et de celui-ci en particulier. C’est quelque chose qui est très prégnant ici ; on voit les petits appartements new-yorkais, petits cocons et enclaves au milieu de l’agitation, comme on voit les paysages de l’Inde parfois décrits.

Le livre était vraiment bien écrit, ce qui m’a aussi beaucoup plu. J’ai relevé une grande quantité de citations au fil de ma lecture, et je me sens bien entendu obligée de vous en retranscrire quelques unes ici.

“Mon père boit, ma mère nargue. Mon père frappe, ma mère gémit. Mon père hurle, ma mère crie. Ils sont menottés tels des prisonniers décrivant des cercles sans fin. La bête qu’a été leur vie commune s’éveille toutes les vingt-quatre heures en soubresauts et secousses frénétiques, gagnant un jour d’existence en plus. Ils se sont sans cesse trahis et leur trahison ressemble aux vents hurlants du désert qui transforment une roche en sable. Ils hurlent, hurlent et hurlent dans mes oreilles même lorsque les arbres restent immobiles.”

Abha Dawesar, dans Madison Square Park, a créé des personnages forts, hauts en couleurs, qui ne manquent pas de caractère et qui ne laissent pas indifférents. Le sado-masochisme des parents m’a fait hurler, la douleur d’Uma m’a émue et la patience et la détermination de Thomas m’ont attendrie. A travers ces personnages, Abha Dawesar nous offre une réflexion multiple : sur le poids des traditions familiales, sur le caractère borné des parents qui véhiculent à New-York une image de l’Inde parfois datée, et sur la difficulté de devenir parent aussi, lorsqu’il s’agit de faire des choix pour quelqu’un d’autre, en espérant que ce soient les bons.

“Le père de Tracy. Le père d’Uma. Le sien. Des pères qui décident. Des pères qui possèdent leurs enfants. Qui les contrôlent. Vivent à travers eux. Leur refilent des gênes. Leur transmettent la maladie de Huntington. Abrègent des vies. Et aujourd’hui, Thomas. Sur le point d’être père à son tour. Cette responsabilité. Ce pouvoir. Cette dévotion. Thomas va corriger le tir des pères.”

Vous l’aurez compris, pour moi Madison Square Park est ce genre de livres magiques, qui vous transportent loin le temps de quelques heures de lecture, et qui vous serrent le cœur en le refermant. C’est le premier livre que je lis de l’auteure et certainement pas le dernier. C’était une très bonne lecture, que je vous conseille de découvrir dès maintenant !

Je reviendrai d’ici quelques jours pour un compte-rendu spécial de ma rencontre avec l’auteure à Paris, le 8 avril dernier.

Encore merci aux éditions Héloïse d’Ormesson qui m’ont permis de découvrir cette parution récente !

11 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *