ta façon d'être au monde
La Lectrice

Ta façon d’être au monde – Camille Anseaume

“C’est l’heure du départ, la fin de l’été. Il faut rentrer. Dans la chambre, je reste transie, incapable de bouger. C’est l’angoisse et les regrets qui me paralysent. Je comprends que je n’ai pas pris le temps de défaire mes valises, ni même de regarder à la fenêtre. Maintenant que je réalise qu’on y voit la mer, il est temps de m’y arracher. Le séjour est passé sans moi. J’étais là, et je ne le savais pas. J’en conçois aujourd’hui une tristesse et une culpabilité infinies, sans commune mesure avec les faits. Tu connais ce rêve étrange que je t’ai souvent décrit. Il m’a hantée chaque nuit pendant des années. Et puis un jour je ne l’ai plus fait. Ce jour-là, j’ai compris que l’été avait duré vingt-six ans.”

Elles sont amies d’enfance. L’une est inquiète, rêveuse, introvertie ; l’autre est souriante, joyeuse, lumineuse. Ensemble, elles grandissent, découvrent la vie, l’amour. Jusqu’à ce qu’un drame bouleverse le monde qu’elles se sont bâti… Un roman poignant sur l’amitié, le deuil, et sur ce point de bascule irréversible qui sonne la fin de l’insouciance.

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Il y a deux jours, je repartais des locaux des éditions Kero avec deux livres à la main, deux livres de la rentrée littéraire de janvier qui me faisaient très envie. Parmi eux, Ta façon d’être au monde, de Camille Anseaume. Je me souviens encore de l’avoir regardé sous toutes les coutures au Salon du Livre de Paris, d’avoir hésité à craquer, et finalement non, mon banquier allait vraiment dire que se faire des cadeaux pour son anniversaire c’est bien beau, mais y’a des limites.

Je ne pensais pas en ouvrant ce livre vendredi soir dans le RER qu’il allait me bouleverser à ce point. Me rendre toute chose et particulièrement triste une fois la lecture terminée, parce que ça avait été si intense, sur deux cents pages à peine, c’était allé trop vite. Bref, aujourd’hui vous l’aurez compris, je vous présente un coup de cœur.

Camille Anseaume, dans la première partie de son roman, nous brosse le portrait de deux jeunes filles. La première, désignée par “elle”, une jeune fille introvertie, qui a peur de tout y compris d’elle-même, passive à souhait. De ces enfants trop sages qui vont jusqu’à vous attrister.

“Elle déteste courir, être en retard, guetter l’heure. Les échéances lui brûlent les fesses comme le Diable en enfer.”

” – Tu ne devrais pas te faire de bile comme ça.

Elle pense à Boule et Bill, elle dit “d’accord”, mais elle ne voit vraiment pas le rapport.” 

Arrivée en primaire, elle rencontre l’autre protagoniste de ce roman, cette jeune fille désignée par “tu” tout au long du roman. C’est un choix narratif qui m’a déroutée au début, et j’avoue avoir eu un peu de mal à m’y retrouver parfois. Surtout qu’à partir de la seconde moitié du roman, “elle” devient “je”, et il m’a fallu plusieurs pages pour être sûre de l’identité de ce nouveau “je”Au fil des pages, elles deviennent amies, inséparables mêmes. On les suit pendant leur enfance, puis leur adolescence. Les deux personnages évoluent, chacune à leur façon, et j’ai été totalement prise et attendrie par les descriptions de l’auteure. J’y ai retrouvé quelques éléments de vécu aussi, (mon adolescence n’étant pas si loin, enfin j’espère !). Tout cela m’a rappelé les sentiments contradictoires que l’on peut ressentir à cette période, l’envie de s’épanouir tout seul, loin de ses parents, alors qu’on est encore qu’un enfant.

“Elle n’est accro qu’aux Pim’s framboise et aux parfums Eau Jeune, alors elle décide de fuguer, pour s’attirer des ennuis. Elle voudrait inquiéter, avoir froid dans la rue et faire de mauvaises rencontres, avoir sa gueule placardée sur les murs d’un commissariat et des choses à raconter quand elle aura vingt ans. Elle voudrait être recherchée, ça lui éviterait de chercher sans savoir exactement quoi.” 

Les filles débarquent ensuite à Paris, pour leurs études, avec quelques amis. Dans leurs poches, plein d’ambition, et surtout beaucoup d’envies de renouveau, de s’amuser et de profiter de la vie. C’est un passage que j’ai beaucoup aimé, sans doute car cela ressemble un peu à la période actuelle de ma vie. Les premiers emménagements, déménagements, les joies de la vie étudiante où l’on croit parfois que tout est permis et possible.

“Là où les vies s’alignent sur le palier, faisant sécher les mêmes couverts dans les mêmes pots en inox, rêvant aux mêmes choses sur les mêmes canapés-lits, ivres des mêmes vins premier prix et de la même liberté, et réveillés par les mêmes peurs des lendemains dont elles ne savent rien.” 

Vous l’aurez compris, je vous bombarde de citations dans cette chronique car j’ai totalement adhéré à la plume de l’auteur. Elle a ce petit quelque chose qui me fait sourire, ces observations du quotidien dans lesquels on se retrouve. Elle a une certaine facilité et une poésie pour dire les choses auxquelles je suis aussi sensible avec Delphine de Vigan (et je pense que vous commencez à connaître mon amour pour l’auteure).

Mais vient la seconde partie du roman, et le drame, comme l’annonce la quatrième de couverture. Je ne m’y attendais pas du tout et il m’a prise de court, comme les personnages de ce roman. J’ai beaucoup aimé la façon dont Camille Anseaume décrit le deuil, la difficulté d’accepter, le fait que le temps semble s’être arrêté autour des personnages. Elle m’a fait ressentir tout ça et plus encore. Et surtout, je ne m’attendais pas du tout à la fin. Presque magistrale, elle referme le livre de façon tout à fait inattendue, et m’a coupé le souffle pendant quelques instants. Pour finalement me laisser un sourire en coin. Bravo Camille Anseaume, tu m’as bien eue.

Camille Anseaume est donc pour moi une auteure à suivre. Ta façon d’être au monde est un roman bouleversant, écrit d’une main de maître, qui m’a hanté pendant toute la journée, même après l’avoir refermé. Je sais que beaucoup de monde l’a jugé moins bien que son premier roman, Un tout petit rien. Aussi, il va de soi que j’ai envie de le découvrir. Merci aux éditions Kero pour ce livre magique !

Ta façon d’être au monde ; Camille Anseaume

Editions Kero

Paru le14 janvier 2016

234 pages

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