Les Visages
La Lectrice

Les Visages – Jesse Kellerman

Lorsque Ethan Muller met la main sur une série de dessins d’une qualité exceptionnelle, il sait qu’il va enfin pouvoir se faire un nom dans l’univers impitoyable des marchands d’art. Leur mystérieux auteur, Victor Crack, a disparu corps et âme, après avoir vécu reclus près de quarante ans à New York dans un appartement miteux. Dès que les dessins sont rendus publics, la critique est unanime : c’est le travail d’un génie. La mécanique se dérègle le jour où un flic à la retraite reconnaît sur certains portraits les visages d’enfants victimes, des années plus tôt, d’un mystérieux tueur en série. Ethan se lance alors dans une enquête qui va bien vite virer à l’obsession. C’est le début d’une spirale infernale à l’intensité dramatique et au coup de théâtre final dignes des plus grands thrillers. Bien loin des polars calibrés, Jesse Kellerman, styliste hors pair, nous offre ici un roman d’une indéniable qualité littéraire qui, doublée d’une intrigue machiavélique, place d’emblée le livre au niveau des plus grandes réussites du genre, tels Mystic River, de Dennis Lehane, ou l’Analyste, de John Katzenbach.

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Les Visages de Jesse Kellerman est un thriller de longue-haleine particulièrement surprenant. J’ai été déroutée autant par l’histoire, qui au début mettait du temps à s’installer, la narration assez originale, et la fin, que je n’attendais pas du tout. Une belle surprise, donc.

Ethan Muller possède une galerie d’art à New York. Sa galerie a pas mal de succès, jusqu’au jour où l’un des amis de son père l’appelle et lui demande de venir tout de suite dans une cité dans le Queens ; Ethan y découvre un appartement rempli de dessins incroyables, reliés entre eux sur une surface énorme. Problème : le dessinateur a disparu. Cela n’empêche pas Ethan d’exposer les dessins. Mais alors qu’il s’apprête enfin à les vendre à un bon prix, il va faire une drôle de découverte ; les enfants dessinés sur la première planche ressemblent très fidèlement à cinq enfants tués dans le Queens durant les années 1960. C’est un peu malgré lui qu’il se met donc à enquêter sur l’identité du dessinateur, pour comprendre pourquoi il a dessiné ces enfants…et s’il les a finalement tués. Ce récit est entrecoupé “d’interludes” à différentes phases de l’histoire, qui retrace la généalogie d’Ethan Muller. Si pendant plus de la moitié du livre je ne comprenais pas l’intérêt de parenthèses aussi longues, j’ai réalisé plus tard qu’elles avaient leur intérêt. Mais naturellement, je n’en dirai pas plus.

Ce livre a visiblement déçu pas mal de monde, et je pense que c’est parce qu’il ne s’agit pas exclusivement d’un thriller. Il y a de longs passages de narration qui servent le récit mais qui ne sont pas directement liés à l’enquête. Le narrateur nous propose par exemple une longue immersion dans le milieu de l’art, chose que j’ai appréciée. Les choses sont vraiment décrites en profondeur. Pour autant, je dois l’avouer, j’ai lu certaines pages en diagonale parce que certains passages me semblaient bien trop longs.

J’ai beaucoup aimé la narration, très oralisée. Le narrateur s’adresse au lecteur à plusieurs reprises et c’est un aspect que j’ai bien aimé. Il peut sembler parfois très con, avec son côté jeune parvenu new-yorkais, mais pour le coup j’ai plutôt accroché au personnage.

“Je m’étais promis de faire un effort pour ne pas parler comme un sale con prétentieux. Il faut que je fasse plus roman noir ; en tout cas j’aimerais bien. Mais je ne crois pas que ce soit mon truc. D’écrire par petites phrases hachées. D’employer des métaphores graveleuses pour décrire des blondes sensuelles […]. Je n’y arrive pas, alors pourquoi me forcer ? 

Nous n’avons chacun qu’une histoire à raconter et nous devons le faire comme ça nous vient naturellement. Je ne porte pas de flingue ; je ne suis pas coutumier des bagarres ou des courses-poursuites en voiture. Tout ce que je peux faire, c’est dire la vérité, et, en vérité, je suis peut-être bien un sale con prétentieux. Peu importe. Je n’en mourrai pas.”

Si les cent cinquante premières pages m’ont paru longues, j’ai lu tout le reste en un après-midi, ce qui prouve que l’intrigue est quand même haletante. La fin m’a totalement surprise et en refermant le roman je me suis dit que l’auteur avait remarquablement bien construit son récit.

En définitive, c’est une très belle découverte. N’hésitez pas à passer quelques pages un peu longues, qui peuvent vous rebuter au début ; la suite est géniale !

 –couv59396211

Les Visages (The Genius) ; Jesse Kellerman

Editions France Loisirs (1ère parution chez Sonatine)

Paru en 2010

537 pages

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