La Lectrice

Le Sel de nos Larmes – Ruta Sepetys

Hiver 1945. Quatre adolescents. Quatre destinées.
Chacun né dans un pays différent. Chacun traqué et hanté par sa propre guerre.
Parmi les milliers de réfugiés fuyant à pied vers la côte devant l’avancée des troupes soviétiques, quatre adolescents sont réunis par le destin pour affronter le froid, la faim, la peur, les bombes… Tous partagent un même but : embarquer sur le Wilhem Gustloff, un énorme navire promesse de liberté…

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Le livre que je suis la seule à avoir détesté…

Attention, article bombe atomique bonjour. Je me planque déjà dans mon abri anti-sismique, parce que je sens que je vais me faire taper sur les doigts. Un peu comme lorsque j’avais lu les romans d’Agnès Martin-Lugand, parfois, je ressens une grande incompréhension face à un phénomène littéraire dont tout le monde ne dit que du bien, partout, tout le temps.

A tel point que quand on est déçu, les gens vous regardent 1/comme si vous n’aviez pas de goût 2/comme si vous étiez un demeuré 3/vous snobent bien comme il faut au passage. Enfin, ça c’est pour les gens qui ont légèrement du mal avec la critique. Car heureusement il y a quand même des gens intelligents qui préfèrent débattre de la chose.

Breeef.

En décembre, j’avais emprunté un livre à la bibliothèque de mon école à l’aveugle. Le principe : il était emballé dans du papier cadeau et je n’avais aucune idée de ce dont il pouvait parler, à part qu’il s’agirait d’un roman historique avec une romance. J’ai à ma grande surprise découvert une fois chez moi que j’avais emprunté Salt to the Sea, traduit en français sous le titre de Le Sel de nos larmes. Or ce livre, je voulais le lire pour deux raisons : la première est que ce livre était absolument partout à sa sortie en France. Partout. Tout le monde était en train de le lire/l’avait lu et surtout : tout le monde le trouvait fantastique. La deuxième : ce roman parle d’un épisode dramatique de l’histoire totalement méconnu et je me demandais vraiment comment un truc aussi gros avait pu arriver et être oublié quelques décennies plus tard.

Un roman choral young-adult

En ce qui concerne l’histoire : l’auteur a écrit un roman où ses quatre personnages principaux deviennent tour à tour narrateurs dans des chapitres très courts, et nous racontent ce qui leur arrive en janvier 1945, alors qu’ils veulent échapper à l’armée russe et qu’ils vont embarquer sur un navire énorme, le Wilhelm Gustloff. Quatre adolescents et quatre personnalités différentes : Joana est une infirmière polonaise qui n’a pas la langue dans sa poche, Emilia une jeune fille Lituanienne qui a fui son pays et souffre en silence, Florian un Allemand un peu louche mais bienveillant, et Alfred, Allemand nazi qui veut remplir sa mission jusqu’au bout et (légèrement) prétentieux mais qui n’est qu’un dégonflé de première.

Ces quatre jeunes vont tous se rencontrer à un moment ou à un autre au cours de leur périple afin d’embarquer sur le paquebot qui les conduira en sécurité à Kiev. L’Allemagne et la Prusse ayant été envahies par l’Armée Rouge, elles ne sont plus sûres et les peuples allemands, polonais ou lituaniens se retrouvent condamnés à l’exil. Tous voient dans ces bateaux une promesse de paix – ou au moins de sécurité d’ici à ce que les affrontements s’arrêtent. Problème – et ce n’est pas vraiment un spoil puisque que c’est le truc qui a été le plus répété sur ce roman – le bateau contenant plus de dix mille passagers fait naufrage peu après son départ, faisant des milliers de morts, bien plus que le Titanic par exemple.

Un drame humain totalement méconnu

Une histoire bien joyeuse donc ! Je m’attendais évidemment à un roman émouvant, prenant et bouleversant, d’autant plus qu’il est inspiré d’une histoire vraie. Et comme beaucoup de lecteurs, en refermant ce livre, je suis toujours choquée qu’une telle catastrophe ait pu passer “inaperçue”, ou du moins que je n’en ai jamais entendu parler avant. Encore une chose qui nous rappelle que l’histoire est bel et bien une construction humaine où l’on nous raconte seulement ce que l’on veut bien nous raconter.

Là où le bât blesse, c’est finalement le reste de l’histoire. Je ne me suis pas attachée aux personnages, à part peut-être à Joana, et peut-être un peu à Florian, et encore. J’avais conscience qu’ils étaient en train de souffrir, que l’histoire était horrible… Mais voilà, ça ne l’a pas fait. Je suis restée assez insensible à leur aventure et j’ai tourné les pages sans réel entrain. Quitte à laisser le livre posé sur ma table de chevet un peu trop longtemps sans y retoucher. Côté pathétique, il y a ce qu’il faut. Et c’est finalement ça qui m’a posé problème. Malgré l’aspect horrible de cette histoire – inspirée du réel qui plus est – j’ai trouvé que ce roman était affreusement tire-larmes et virait au pathos toutes les deux pages.

Attention aux tire-larmes…

C’est sûr, faire des blagues de toto dans un roman sur l’exil de civils pendant la Seconde Guerre Mondiale qui en plus se tapent un naufrage, c’est pas trop de circonstance. Mais je ne sais pas… J’ai eu le sentiment que c’était too much. Même si ça avait pu être vrai. Je trouve qu’actuellement, dans beaucoup de romans historiques, on essaie toujours de trouver des situations absolument horribles, les pires qui soient pour “faire pleurer dans les chaumières” (dixit maman). Du genre, dans un roman qui aborde la déportation, on va forcément prendre le point de vue d’une femme juive enceinte, qui a perdu toute sa famille, aveugle, et si elle a la gale c’est encore mieux – c’est plus romanesque.

Attention, – avant que vous me taxiez tous de grosse insensible / saloperie sans cœur ou que sais-je : je ne dis pas que ça n’a pas existé. Je ne dis pas que ça n’a rien d’horrible – c’est horrible, c’est inhumain, etc. Simplement : pourquoi forcément dans les romans prendre toujours le pire du pire pour émouvoir tout le monde ? (et étiqueter ça comme de la littérature féminine par-dessus le marché, c’est tellement mieux). Au passage on rajoute une romance désespérée à la Titanic qui achève bien tout le monde, et c’est parfait.

Personnellement, ça ne m’émeut pas. Ou du moins, ça ne m’émeut plus, parce que j’ai le sentiment que l’auteur en fait des caisses et des caisses. A croire que certains ont des actions chez Kleenex.

Pour autant, je pense et je maintiens qu’il existe des romans historiques formidables, qui m’ont beaucoup émue et que je n’ai pas pu lâcher avant de connaître la fin (avec forcément du pathétique, un minimum, mais abordé de façon différente). Je pense notamment à La Faim Blanche d’Aki Ollikainen, une pépite finlandaise écrite d’une main de maître, et qui aborde l’exil de nombreux Finlandais au XIXème siècle alors qu’ils étaient victimes d’une famine sans précédent. Il y a des morts aussi, il y a des détails affreux, mais ça vire pas au tire-larmes avec une romance qui sort de tu sais pas trop où…

Tout ça pour dire que finalement, en refermant ce roman, je n’étais pas bien convaincue. Et je me sentais presque coupable de ne pas aimer – parce que c’est historique, et c’est un peu la réalité. Je suis quand même contente de l’avoir lu, tout simplement pour avoir pris connaissance de ce naufrage monstrueux, et parce que ce n’était pas hyper désagréable à lire quand même, mais je reste quand même sur une grosse note d’amertume, en me disant que certains détails étaient tous simplement de trop.

Conclusion : les romans historiques oui, le pathético-niaiseux racoleur : non.

Sur ce, j’attends les bombes !

Salt to the Sea (Le Sel de nos Larmes) ; Ruta Sepetys

Penguin

4 février 2016

385 pages

15 Comments

  • mathilde

    Je comprends tout à fait ton ressenti, je suis passée complètement à côté de Rosa Candida ou encore Les Derniers jours de Rabbit Hayes. J’avais l’impression de ne pas être une bonne lectrice car tout le monde te dit que ces livres sont géniaux.
    Chacun à son ressenti sur une lecture, je pense que si un livre nous tente vraiment, nous irons le lire même s’il y a de mauvaises critiques, il y en a toujours en plus.
    J’aime avoir les avis des bloggeuses que je suis (dont toi) pour me donner une idée, car je vois régulièrement ce que tu mets, si on aime les mêmes livres, il y a des chances que lorsque tu aimes je puisse aimer aussi, à l’inverse je sais que je n’arrêterai pas de te lire même si on a un avis contradictoire, au contraire je trouverai cela tout autant intéressant. Bon dimanche à toi

    • Laroussebouquine

      Je pense qu’effectivement ça arrive à tout le monde d’être “le seul” à ne pas aimer un livre !
      Je suis contente si j’arrive quand même à te conseiller quelques livres dans tous les cas.
      Bon dimanche à toi aussi !

  • Saleanndre

    Oh et bien tu vois, moi qui avais plutôt bien envie de le lire, tu m’éclaire à propos, et je me dis que j’ai bien le temps de l’ouvrir, si c’est pour une déconvenue…
    Je ne t’envoie pas de bombes, mais un grand merci 🙂

    • Laroussebouquine

      Je ne sais pas si tu as raison de me remercier, mais effectivement, je ne peux que te conseiller d’autres romans historiques (même jeunesse) bien meilleurs !

  • Electra

    et bien même en lisant ton billet, ce livre ne me dit toujours rien ! Morte de rire. Par contre, je suis allée voir sur wikipedia et comme toi, je n’ai jamais entendu parler de cette catastrophe terrible de la guerre.
    Et je te rejoins, sans avoir lu le roman, sur tout ce que tu dis : le pathos, beurk ! et puis surtout, ma grand-mère me racontait que pendant la guerre, les gens ne pleuraient pas sur le sort, ils fuyaient soit, ils prenaient leurs affaires, et partaient. Ils cachaient leurs sentiments. Et beaucoup continuaient à y croire et dans les romans, c’est ainsi qu’il faut décrire les personnages même si au final, ils meurent – je ne sais pas si je suis claire, mais la guimauve ce n’est pas être fidèle à ces millions de civils et il y a plein de très bons romans historiques fort heureusement.

    • Laroussebouquine

      Oui je vois exactement ce que tu veux dire ! Le pire c’est que les personnages ne se plaignent pas forcément non plus dans le roman, c’est plus la façon dont c’est raconté… Certains passages sonnent juste et d’autres, juste too much.
      Mais bon, même en temps que grosse sensible, il faut croire que trop de guimauve dans les livres c’est juste pas pour moi !

    • Laroussebouquine

      En soi il a plu à quasiment tout le monde, donc il te plaira peut-être !
      Mais il y a trop de choses qui font que personnellement ça ne l’a pas fait…

  • Lowrra

    Saluut ! Je viens de découvrir ton blog, il est super joli ! 😀
    Même si contrairement à toi Le Sel de nos larmes a été un coup de pour moi, je comprends tout à fait ton ressenti. Si tu savais combien de livres “phénomènes” je n’ai pas aimé (Cinder, Phobos, Marquer les Ombres, Gardiens des cités perdues, Nil et plein d’autres).
    J’espère que tu feras de belles découvertes ! ^-^

    • Laroussebouquine

      Merci de ton passage alors ! 🙂
      Et je suis assez d’accord… Souvent on fait tout un foin de certains livres, donc on veut absolument les découvrir… et c’est la déception à la clé après de telles attentes !

  • Emilie3003

    Bonjour,
    Je découvre ton blog et j’en suis ravie.
    J’ai le même ressenti que toi sur ce livre ! J’ai été particulièrement déçue je ne me suis pas beaucoup attachée aux personnages à l’exception de Joanna
    En plus, la version française comprend une multitude de fautes d’orthographe, ce qui n’est pas acceptable selon moi !
    Bonne continuation.

  • Solessor

    Salut !
    Je découvre ton blog à travers cette chronique, j’en aime le ton !
    Je fais partie des gens qui ont apprécié Le sel de nos larmes. Toutefois, je comprends parfaitement ce que tu exprimes dans cet article et pourquoi. Je crois que j’aurais pu avoir les mêmes considérations si je l’avais lu à un autre moment, avec cette débâcle de malheur et de “pire” ! ^^
    Au plaisir de te lire encore…

    • Laroussebouquine

      Dommage que tu découvres mon blog avec une critique si négative finalement !
      Mais je suis contente si cela te donne envie de rester 😉

      Effectivement, je comprends que des gens aient pu aimer, d’autant que je lis beaucoup de livres avec la tonne de mélo moi-même. Mais là, il n’y a rien à faire, ça n’est pas passé !

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