La Lectrice

A la place du coeur – Arnaud Cathrine

A la place du coeur ; Arnaud Cathrine

Robert Laffont (Collection R)

1er septembre 2016

252 pages

Six jours dans la vie de Caumes qui vit son premier amour.
Six jours de janvier 2015 où la France bascule dans l’effroi.

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On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Caumes est en terminale. Dans quelques mois il rejoindra son grand frère et partira faire ses études à Paris, il deviendra grand, mais pour l’instant, il goûte aux joies des cours de philo, de la pression des parents, mais surtout aux préoccupations de son âge. Il fait un peu le con, picole un peu, développe son opinion politique et surtout, voue un sacré culte à Esther. Esther qui, même si c’est la plus belle fille de la classe, la plus intelligente, la plus parfaite (ce qu’on est objectif quand on est amoureux) se retourne miraculeusement sur lui le jour de son anniversaire, début janvier 2015.

“Le shit, c’est comme les huîtres : j’aime bien l’odeur mais pas question de faire entrer ça dans mon corps.”

Même si le ton du livre présage vite autre chose, avec un tel résumé, on pourrait s’attendre à une romance comme les autres et particulièrement niaiseuse. Détrompez-vous, il n’en est rien. Quelques jours plus tard, la France connaît une crise que personne n’avait vu venir, une série d’attentats qui marquera forcément les esprits.

Et que faire alors, quand on a dix-sept ans, qu’on vit dans une France où tout le monde se déteste, où le racisme et la peur de l’autre n’ont jamais été aussi présents ? Détourne t-on les yeux pour vivre sa vie, ou s’engage t-on pour faire avancer – à sa manière – son pays ? Caumes a peur, mais il veut garder espoir.

Dans son roman jeunesse qui n’a rien à envier aux autres sorties de la rentrée littéraire, Arnaud Cathrine nous rappelle les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, qui même s’ils sont arrivés il y a deux ans maintenant, nous semblent toujours aussi proches. Je me souviens encore personnellement de ce jour (bon aussi parce que j’ai été hospitalisée donc c’est facile de s’en souvenir) et de ce que je faisais quand j’ai appris à la nouvelle. C’est quelque chose qui choque au plus profond de soi, même si l’on n’est pas touché personnellement.

Arnaud Cathrine a une plume folle ; son écriture est vive, jeune, explosive et apporte beaucoup au roman. Il a créé des personnages loin de la caricature, non sans nous rappeler des amis ou de la famille. Il montre aussi avec brio le décalage qui se crée entre certaines couches de la société en France, quand les opinions politiques se radicalisent de chaque côté et que les gens se renferment sur eux-mêmes.

C’est un roman sur l’amour, sur la vie, l’espoir. Une histoire folle qui vous prend à bras le corps et ne vous lâche plus jusqu’à la fin. Un hymne à la jeunesse, que l’on incite à ne rien lâcher. A vivre, plus que jamais, à ne pas être trop sérieux. A tomber amoureux et à se battre.

« Tu ne peux pas faire ça. C’est trop tôt. Bien trop tôt. Toi-même, tu me l’as souvent dit : « On n’a pas fait assez de conneries. » Alors tu vois bien : tu ne peux pas. On n’a pas assez zoné, on n’a pas assez bu, on n’en a pas vu assez, on n’en a pas dit assez, on n’a pas pris le temps de se taire. On ne s’est pas révoltés, on n’est pas descendus dans la rue, on n’a fait bloc contre rien, on n’a pas hurlé à qui de droit que la vie nous terrifiait, on n’a même pas quitté notre chambre d’enfant, on ne connait pour ainsi dire rien au cul ni à l’amour, on n’a jamais rien envisagé, on a regardé nos frères grandir, on a avancé dans la file, on nous a promis que ce serait bientôt notre tour, on avait tout juste commencé à se demander qui on était, alors tu vois bien : tu ne peux pas débarrasser le plancher comme ça. On n’a pas épuisé un millième du monde. L’inconnu comptait sur toi. Et moi aussi. Alors tu ne peux pas. Un jour, tu m’as dit : « On s’habitue à tout ; enfin … un jour sur deux. » Mais ton absence, je ne m’y ferais pas, pas une seconde. »

Comme souvent lorsque je parle d’un coup de cœur, il m’est finalement difficile de vous dire combien ce livre m’a touchée. Il m’a marquée, tout simplement. J’étais contente de le refermer, même si la fin m’a surprise/scotchée/presque fait pleurer, mais je n’étais pas trop capable de passer à autre chose. Je m’attendais à aimer ce livre, car j’apprécie les livres d’Arnaud Cathrine en général, mais pas à ce point-là.

Enfin…S’il s’agit d’une saison 1… A quand la saison 2 ? Car je risque de sauter dessus !

9 Comments

  • Lisa Le Pingouin

    Oua quelle belle chronique ! j’ai ce livre sur ma liseuse, tu m’as encore plus donné envie de le lire ! Je pense qu’il sera ma prochaine lecture. L’extrait fait un peu penser aux chansons du groupe ” Fauve” .

    • Laroussebouquine

      Tu penses bien puisque même si ce n’est pas le cas dans cet extrait, l’auteur cite Fauve à plusieurs reprises !
      Et ne le fais pas attendre, surtout quand vu la date d’aujourd’hui/de demain…

    • Laroussebouquine

      Tu m’étonnes !
      Connaissant ton amour pour la littérature jeunesse, fonce !
      (et donne-le à tes élèves, même si ça parle un peu beaucoup de shit et de zizi)

  • Miss Charity

    J’ai ressenti la même chose en lisant ce livre que j’ai adoré ! Je ne sais pas si tu connais Arnaud cathrine par ailleurs, j’aime beaucoup tout ce qu’il fait. Il a sorti avant “à la place du coeur ” un recueil de nouvelles sur l’amour qui est très beau, je te le conseille mais je ne pense pas que tu puisses le trouver en Angleterre ! Sinon en ce moment il est en tournée avec Frère Animal un groupe qu’il a créé avec Florent Marchet, les chansons sont plutôt engagées et politiques, si tu as l’occasion d’écouter les deux albums ça vaut le coup ! Bref j’adore cet auteur

    • Laroussebouquine

      J’ai lu “Les Vies de Luka” de l’auteur que j’avais plus qu’adoré en 2015, et un autre livre l’an dernier qui en revanche m’avait moins plu car il était beaucoup trop court.

  • PrettyBooks

    J’avais été très émue à la lecture de ce livre. Je l’avais lu d’une traite presque sans pouvoir respirer. Il est saisissant et bouleversant. Il plait ou pas, mais je suis heureuse de voir que tu as aimé t’y plonger toi aussi.

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