La série événement The Handmaid’s Tale – bonne ou mauvaise adaptation du chef d’oeuvre de Margaret Atwood ?
En avril 2017, Hulu a lancé la diffusion de The Handmaid’s tale, une mini-série de dix épisodes adaptée du roman dystopique de Margaret Atwood, paru en 1985 au Canada. Depuis, les ventes du roman (ressorti sous une nouvelle édition en France chez Robert Laffont) ont augmenté de 500%. Quelle est la raison de ce succès ?
Au-delà du classique, une dystopie très actuelle
The Handmaid’s Tale, c’est l’histoire d’un régime qui fait froid dans le dos. Aux Etats-Unis dans les années 2000, suite à un coup d’état, naît la République de Gilead. Un régime religieux extrêmement puissant qui veut revenir à des valeurs familiales traditionnelles selon la volonté de Dieu. Pour pallier un taux de natalité particulièrement bas, les femmes fertiles du pays sont enlevées et mises au service des familles les plus riches. Elles deviennent des Handmaids, en français des servantes, et sont violées par l’homme de la maison, le Commandeur, afin qu’elles tombent enceintes et apportent un enfant à la famille. Elles n’ont aucun moyen de sortir de leur condition. Si elles ne se plient pas aux règles (nombreuses) de leur statut, elles sont alors envoyées aux Colonies – la menace suprême, certainement des camps de travail dont elles ne reviendront pas.
Offred (en français Defred) est une servante. Elle a été placée dans la famille des Waterford. Le livre raconte son histoire, comme un journal. Elle parle alors du régime, de ce qu’on lui impose, mais aussi de sa vie d’avant, où elle a tout perdu.
J’avais déjà lu The Handmaid’s tale en 2016 pour l’université, étant à l’époque en licence d’anglais. Ce livre était pour moi alors un véritable chef d’oeuvre, tant du point de vue de l’histoire (qui pousse quand même à réfléchir quoi qu’il arrive) que de la narration. Margaret Atwood est une auteur absolument brillante, qui pousse l’intertextualité très loin avec notamment énormément de références bibliques qui font ici totalement sens. The Handmaid’s Tale est un roman féministe, qui pousse le lecteur à réfléchir à l’évolution même du mouvement féministe et à certaines grandes questions comme l’avortement ou l’émancipation de la femme, mais aussi à la politique, à l’impact de nos actions sur l’environnement, ou à l’écriture même.
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Margaret Atwood a écrit un classique, mais aussi et surtout un roman plus qu’actuel et qui laisse toujours un peu son lecteur destabilisé. A l’heure où on revient de plus en plus sur certaines libertés fondamentales et où les marches contre l’avortement se multiplient aux Etats-Unis, en Espagne ou ailleurs, ce livre a plus que jamais d’impact et sonnerait presque comme une menace.
Une adaptation digne du roman initial ?
Quand j’ai appris en début d’année qu’une adaptation du roman allait être réalisée sous forme de mini-série, j’ai forcément été surprise, ravie, mais je me suis dit que j’allais être très exigeante. J’avais vu à l’université la première adaptation du livre en film par Völker Schlöndorff en 1990, et j’avais été très déçue. L’atmosphère décrite dans le livre n’était pas du tout la même, et surtout le réalisateur avait pris beaucoup de libertés sur la fin qui pour moi faisaient perdre tout l’intérêt du roman ou presque.
Le casting de la série de 2017 m’a tout de suite rassurée : avec Samira Wiley, Yvonne Strahovski (brillante dans The Astronaut’ Wives Club) et Elisabeth Moss, j’étais de suite plus inspirée, surtout que la bande-annonce montrait déjà une atmosphère beaucoup plus fidèle au roman.
Pour ce qui est de l’atmosphère, elle est effectivement très fidèle. La série est particulièrement réussie d’un point de vue esthétique ; les images sont parlantes, parfois crues, les couleurs si importantes dans le roman tranchent totalement avec les paysages nord-américains. Les costumes sont relativement fidèles aux descriptions du livre et permettent facilement de comprendre le rôle de tous les protagonistes.
Si le premier épisode démarre in medias res, on comprend tout de même rapidement de quoi il est question, et les épisodes suivants permettent de développer l’instauration du régime et le pourquoi du comment de l’histoire. Globalement, la série est à l’image du livre, glaçante à souhait, et l’idée même du régime est totalement respectée. En cela, c’est une très bonne adapation qui rend justice à l’oeuvre de Margaret Atwood.
Quelques différences notables entre le roman et la série
Ça coince finalement surtout à partir de la seconde moitié de la série : les réalisateurs ont pris énormément de libertés, et je n’ai clairement pas été d’accord avec tout. La plupart des épisodes du roman sont retranscrits, mais souvent d’une façon bien détournée, grossie ou réduits à peau de chagrin, au profit d’autres intrigues parallèles dont je n’ai pas vu tout de suite l’utilité. Certains passages (notamment celui qui concerne le mari d’Offred dans sa vie avant Gilead) apportent peut-être quelque chose de nouveau qui, bien qu’ils soient totalement absents du roman ne m’ont pas gênée et permettent au spectateur d’avoir des clés supplémentaires pour comprendre le régime. Etant une puriste du roman, je pense quand même que ces ajouts étaient légèrement superflus et permettaient principalement d’étirer la sauce, mais ils m’auraient sans aucun doute plu si je n’avais pas lu le livre en premier lieu. Je suis néanmoins assez peu convaincue par la tournure que prend le lien avec Nick au coeur de la série (Nick est le chauffeur de la famille Waterford). L’intention du roman est totalement changée et cela a pour moi été seulement rajouté pour plaire à un public féminin, me faisant criser sur mon canapé.
On fait le bilan ?
En définitive, malgré quelques changements pas toujours bien justifiés à mon goût, Hulu a réalisé une adaptation assez réussie du roman de Margaret Atwood, en restaurant avec beaucoup de justice l’atmosphère initiale – et pour le moins flippante – du roman. J’attends néanmoins avec fébrilité la deuxième saison qui a été annoncée pour 2018, car pour moi il n’y a rien à rajouter.
Je suis au moins contente de voir que la fin de la série est relativement fidèle au livre (ce qui n’était pas le cas dans la première adapatation cinématographique), et je suis ravie de voir qu’aujourd’hui grâce à la série le livre a pu être remis au goût du jour et tombera dans les mains de bien plus de gens.
Ce n’est certainement pas une série à regarder en famille, mais une série quand même incontournable, qui fait réfléchir à notre société aujourd’hui. Après une très bonne adaptation de Petits secrets, grands mensonges de Liane Moriarty (Big Little Lies), c’est une autre très bonne série à voir en France sur OCS !
11 Comments
Morgana (Deedr)
Je voulais à la base me lancer dans le visionnage de la série, puis on m’a recommandé la lecture du livre au préalable. De base, je suis dans la team “le livre d’abord, puis l’adaptation”, mais comme le livre ne m’attirait pas énormément à la base, je pensais cette fois-ci m’en passer. Ton avis me conforte dans l’idée que je vais essayer de passer au-delà de mon enthousiasme assez moyen à l’idée de lire ce livre, et me lancer dans sa lecture 🙂
Laroussebouquine
Tu devrais, il peut paraître assez lourd par moments (même si je l’ai lu en anglais donc c’est encore différent), mais c’est un roman à plusieurs niveaux, avec vraiment beaucoup de réflexions, donc je ne peux que t’encourager à le lire d’abord.
Et en voyant la série d’abord tu t’attendrais à certaines choses qu’il n’y a pas dans le livre, au risque d’être déçue !
Electra
Une adaptation modifie forcément la donne surtout quand on ne veut pas se contenter de deux épisodes .. après j’ai adoré la version audio de Claire Danes (en anglais) je trouve que c’est le mieux adapté car s’agissant de cassettes audio retrouvées longtemps après les faits..
Je regarderai un jour la série (tu me confirmes avec ton billet que ça en vaut la peine, les premières réactions des fans étaient plus ambiguës) mais j’attends surtout la suite de The Top of the Lake (et toujours Elizabeth Moss)
Je pense que toutes les adaptations (ciné ou télé) vont toujours plaire ou déplaire si on a lu le livre avant. Par exemple, les photos de la série sont sorties alors que j’écoutais le livre audio, donc j’avais la voix et le visage de Claire Danes en tête et je voyais la tête de Moss s’afficher partout …
Après certaines adaptations sont meilleures que le livre, c’est rare mais Drive en est l’exemple.
Laroussebouquine
Effectivement, quand on adapte un livre au cinéma ou à la télévision, on fait quasiment toujours des déçus !
Je suis déçue de certains aspects mais globalement mon avis reste positif, la première adaptation que j’avais vue du roman était pour le coup désastreuse. Après comme tu dis il existe des adaptations meilleures que le livre : je pense personnellement à Effroyables Jardins de Michel Quint, avec Jacques Villeret, André Dussolier, Thierry Lhermitte et Benoît Magimel !
Moka
Venant de lire le livre, je m’apprête à me lancer dans la version télévisuelle !
Ton article me parle. Nécessairement.
Laroussebouquine
J’ai hâte de savoir ce que tu penses de l’adaptation après ta lecture !
Samsha
J’en entends tellement parler ces derniers temps que dès que je finis ma série en cours, je commence celle là! Et je lirai le livre en parallèle 🙂
Laroussebouquine
Ca peut être sympa de faire les deux en même temps. Il faudrait juste que tu ne te perdes pas dans la chronologie, il y a beaucoup d’allers-retours dans le temps dans le livre et pour des questions de compréhension la chronologie n’est pas forcément la même dans la série !
CarnetParisien
Comme tu le sais, j’ai commencé à regarder le début de la série (je n’ai toujours pas réussi à m’y remettre depuis…) et j’aime beaucoup. J’ai reçu le livre pour mon anniversaire, je vais peut-être en faire la lecture avant de poursuivre la série.
Laroussebouquine
Je te comprends ma belle…
Peut-être que oui, tu devrais d’abord lire le roman et ensuite t’y remettre, tu aurais une image bien différente !
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