La Lectrice

Camille, mon envolée – Sophie Daull

Camille, mon envolée – Sophie Daull

Le Livre de Poche (1ère parution chez Philippe Rey)

24 août 2016

192 pages

Camille, 16 ans, a été emportée en quatre jours par une fièvre foudroyante. Dans les semaines qui ont suivi la mort de sa fille, Sophie Daull a commencé à écrire. Ecrire pour ne pas oublier Camille, son regard “franc, droit, lumineux”, et les moments de complicité ; l’après, le vide, l’organisation des adieux, les ados qu’il faut consoler, les autres dont les gestes apaisent. Ecrire pour rester debout, vivre quelques heures chaque jour en compagnie de l’enfant disparue, endiguer le raz de marée des pensées menaçantes. Loin de l’épanchement d’une mère endeuillée, Camille, mon envolée est le récit d’une résistance à l’insupportable, où l’agencement des mots tient lieu de programme de survie.

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Il y a ces livres qui trônent dans votre bibliothèque, que vous souhaitez lire, absolument, mais que vous avez peur de sortir. Parfois parce qu’il s’agit d’énormes pavés, mais aussi lorsqu’on sait d’avance que la lecture, aussi belle soit-elle, sera éprouvante. C’était le cas avec Camille, mon envolée. J’avais comme l’impression que ce ne serait jamais le bon moment pour ouvrir un tel livre. Mais y a t-il vraiment un bon moment pour parler du deuil ?

Sophie Daull raconte les quatre derniers jours de sa fille, et ceux qui ont suivi sa mort. Camille avait seize ans. Un jour elle avait de la fièvre en rentrant à la maison le soir. Elle n’est pas allée au lycée le lendemain. Elle n’y est plus jamais retournée du tout. Quatre jours d’une longueur extrême juste avant les fêtes de fin d’année où la fièvre ne cesse de monter et où la folie gagne sa mère, qui voudrait tout faire pour la soigner mais en est finalement incapable. Les médecins eux-mêmes sont assez réservés, et aucun vrai diagnostic ne tombe. Le 23 décembre 2013 Camille décède finalement de manière inexpliquée et tout vole en éclats.

J’ai déjà lu des livres sur le deuil, et notamment le deuil d’un enfant, comme Elle n’était pas d’ici de Patrick Poivre d’Arvor qui m’avait beaucoup touché par sa pudeur. Et ce qui me marque à chaque fois que je lis un tel livre, c’est le pouvoir de résilience dont font preuve les auteurs (qui sont avant tout les parents).

Car Sophie Daull n’a pas écrit un livre qui se veut triste. Il l’est, par la force des choses. Mais c’est un roman fort et presque drôle sur certains aspects, c’est une ode à la vie, à la vie qui triomphe face à la mort des autres.

“Désormais je vais faire comme ça : vivre la vie des en-allées trop tôt. Je dure dans trois vies de femmes maintenant, la mienne, la tienne et celle de ta grand-mère jamais connue.”

Je ne pleure quasiment jamais lorsque je lis et pourtant je n’ai pas pu retenir mes larmes avec celui-ci. La fin, si triste et si magique à la fois a eu raison de mon insensibilité affichée. Il y a énormément d’émotion dans ce livre et pourtant, on ne tombe jamais dans le pathos. C’est peut-être en totale contradiction avec ce que j’ai pu ressentir à la lecture, mais l’auteur n’a absolument pas écrit un texte larmoyant. C’est fort, c’est bouleversant. Mais jamais elle ne s’appesantit vraiment sur son sort. Elle a mal, c’est tout, mais c’est là tout ce qu’il y a de plus normal. Le lecteur assiste à la chute de tout son monde et pourtant elle garde le cap.

Sophie Daull a une écriture puissante, fluide et pleine d’anecdotes qui me font toujours sourire, le tout me rappelant beaucoup le dernier roman de Camille Anseaume, Ta façon d’être au monde. J’aurais pu relever des passages toutes les deux pages tant ce texte est une réussite d’un point de vue purement littéraire. Les mots sonnent juste, presque trop. C’est prenant, c’est émouvant, bien écrit. En bref, un coup de cœur puissant.

“C’est comme si, après avoir avorté il y a longtemps d’un grand frère ou d’une grande sœur que tu n’as jamais eus, j’avortais maintenant de ton avenir, et que l’opération m’avait laissée sans vie sous les aiguilles de la faiseuse d’anges. Mon ange. Mon auréolée, tes ailes sciées, l’élan brisé.”

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