La Lectrice

On n’est pas chez Mémé !… Mais un peu quand même : Les Oubliés du Dimanche de Valérie Perrin

Les Oubliés du Dimanche ; Valérie Perrin

Albin Michel

2015

379 pages

Quatrième de couverture : Justine, vingt-et-un ans, aime les personnes âgées comme d’autres les contes. Hélène, presque cinq fois son âge, a toujours rêvé d’apprendre à lire. Ces deux femmes se parlent, s’écoutent, se révèlent l’une à l’autre jusqu’au jour où un mystérieux “corbeau” sème le trouble dans la maison de retraite qui abrite leurs confidences et dévoile un terrible secret. Parce qu’on ne sait jamais rien de ceux que l’on connaît.

Mon avis : Après une looongue semaine d’absence pour le moins intense (entre le retour de l’amoureux des States, des emm*rdes avec mon stage avec mon université peu conciliante, un déménagement qui se prépare, et j’en passe), je reviens avec une revue coup de cœur, ou presque. Coup de cœur partagé qui plus est, et ça fait plaisir. Merci Mélusine de Carnet Parisien (ouuuiiii, encore ellle), qui m’a fait sortir mon portefeuille au Salon du Livre de Paris en mars et qui tenait à ce que je lise ce petit bijou.

Et pourtant, ce livre avait de quoi me décevoir, car je l’ai lu à la mauvaise période. Déjà : ce livre parle de vieux. De ceux qui sont dans les maisons de retraite, qui n’ont plus toute leur tête, et qui passent leurs journées à attendre – on ne sait trop quoi d’ailleurs malheureusement. Pas de langue de bois, comme d’habitude, il faut dire ce qui est : les vieux, ça me passionne pas. Ça me chiffonne même. Voire ça m’énerve dans certains cas. Et étant donné que j’ai commencé ce livre dans un TER bondé par une colonie du 3ème âge – c’était franchement mal barré. Parce que du vieux, là, y’en avait. Et du relou en prime. Mais les vieux des Oubliés du Dimanche, on a plutôt envie de leur faire des câlins et de manger des tartes aux pommes trop cuites avec eux. Parce qu’ils ont des tas d’histoires à raconter.

Bref, Les Oubliés du Dimanche, c’est l’histoire de Justine, un petit bout de femme de vingt-et-un ans qui travaille dans une maison de retraite, à Milly dans le Centre de la France, où il ne se passe pas grand chose. Elle vit avec son cousin Jules chez ses grands-parents, leurs parents respectifs étant décédés dans un accident de voiture il y a des années de cela. C’est d’ailleurs de là qu’elle a tiré son amour pour les personnes âgées.

“J’ai grandi avec le troisième âge. J’ai sauté une case. Je sépare ma vie en trois : faire les soins le jour, lire dans la voix des vieux la nuit, et danser le samedi soir pour réapprivoiser l’insouciance que j’ai perdue en 1996 à cause du deuxième âge.”

Je tiens d’ores et déjà à remercier Valérie Perrin pour une chose : ce livre m’a fait sourire du début à la fin et m’aura rappelé mes arrière-grands-parents. Les bigoudis, les patins pour cirer le parquet, le pépé un peu bourru, les bons petits plats, tout y était. Manquait plus que l’odeur de la poudre de riz et l’escalier Stannah et le tableau était complet. Quoi qu’il en soit, l’auteur ne tombe jamais dans le caricatural ou dans le ridicule. Ses portraits sont pleins de délicatesse et font sourire. Le personnage de Justine est aussi très attachant. Elle prend son métier très à cœur, sans doute un peu trop parfois, et son apparence de femme forte cache beaucoup de faiblesses. Elle se décrit elle-même comme une “infirme des sentiments”, chose que j’ai beaucoup aimée.

téléchargement

Une chose est sûre, ce roman est passionnant. Et pourtant, je l’ai lu à des moments où je n’avais pas du tout le cœur à lire et où certains passages me semblaient longs (j’étais plutôt d’humeur à pleurer devant Gossip Girl voyez-vous). L’histoire de Justine se mêle à celle d’Hélène, une femme âgée qui est restée sur une plage en 1933 avec son amant Lucien. Mais Justine ne s’arrête pas là, elle décide de revenir sur les traces de ses parents morts dans un accident de voiture, et cherche à comprendre ce qui est réellement arrivé. Autant dire qu’elle n’est pas au bout de ses surprises.

Ce livre est bien écrit, touchant, et il m’a presque tiré une petite larmichette (bon ok, de toute façon je l’ai lu au moment où j’étais au summum de la sensiblerie). J’ai beaucoup aimé la juxtaposition des histoires à des moments différents dans le temps, qui fait qu’on ne s’ennuie pas – surtout que toutes les histoires sont passionnantes.

J’ai aussi été bouleversée par les descriptions que l’auteur fait de la vieillesse en maison de retraite. J’y suis déjà allée plusieurs fois voir des arrière-grands-parents et je trouve qu’il s’agit de lieux emprunts d’une très grande tristesse. L’histoire du corbeau au sein de l’établissement apporte un peu de réconfort et de drôlerie, en redonnant de l’importance à ceux qu’on appelle justement “Les Oubliés du Dimanche”, soit ceux que personne ne vient plus voir, y compris le dimanche, souvent parce que “il ne se rappelle jamais de mes visites alors je ne viens plus”.

“-Comment ça va aujourd’hui, madame Bertrand ?

-Annie vient de mourir.

-Ah. Qui est Annie ?

-C’était ma copine. Quand elle arrivait chez moi, elle disait, Sers-moi une p’tite bière. Vous croyez que y’a un bistrot chez le Bon Dieu ?

-Si y a un paradis, y a forcément un bistrot.”

Les Oubliés du Dimanche, c’est une véritable leçon de vie. Une ode à l’amour, une réflexion pleine de tendresse sur ce que “vieillir” signifie vraiment. Un roman très bien écrit, avec des personnages tous hauts en couleur et réalistes. Bref, un coup de cœur sur lequel j’aurais aimé m’appesantir plus tant je l’ai aimé, mais dont les mots me manquent pour lui rendre justice. Avec une si belle couverture qui plus est, à découvrir d’urgence chez Albin Michel !

“Tu devrais mettre ton haut rouge, ça t’irait mieux, t’es mal coiffée aujourd’hui, range ta chambre, ne laisse pas traîner tes affaires, c’est toi qui m’as piqué mon rouge à lèvres, d’accord, ça va ma puce, aide-moi à débarrasser, tu viens avec moi au magasin, je passe te reprendre à 16 heures, tu me demandes mon avis, je te donne mon avis, j’ai pas le temps là, t’as fait tes devoirs, mais qu’est-ce que c’est que ça, t’as vu si c’est beau, tu n’iras pas, je t’ai acheté ça, fallait pas commencer, va mettre la table, non, non, non, bon d’accord mais une seule fois, ne rentre pas trop tard, pas de chocolat, pas de soda après 18 heures, tu ne pars pas sans prendre un petit déjeuner, mets ta veste il fait froid dehors, mais qu’est-ce que c’est que ce bordel, tu t’es brossé les dents, il serait peut-être temps de grandir, va prendre ta douche, ne t’inquiète pas, ce n’est pas grave, je t’aime, bonne nuit, qu’est-ce que t’es belle ce matin, j’adore ce truc sur toi, ton prof d’histoire-géo vient d’appeler, il est tard, va te coucher, mais si c’est important les maths, ça va mon amour, c’est qui ce garçon, je sais que tu n’aimes pas lire mais ça tu vas adorer, je te récupère à quelle heure, ils font quoi ses parents, éteins les lumières, ne marche pas pieds nus, on va aller voir un médecin, ne discute pas, viens faire un câlin, si tu n’obéis pas, j’appelle ton père.
Avoir une mère, même chiante, même dingue, même mère.”

couv25194509

23 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *