lire pour le travail
La Working Girl

Vis ma vie dans l’édition : Lire pour le travail

S’il y a bien un pré-requis quand vous postulez dans l’édition, c’est peut-être bête, mais c’est d’aimer lire. Bien sûr, aimer lire ne suffit pas pour être embauché, loin de là ! Mais travailler dans une maison d’édition, a fortiori de littérature, c’est lire BEAUCOUP. Or lire pour le travail, ce n’est pas tout à fait pareil que lire dans son canapé le dimanche (même si l’un n’empêche pas l’autre).

Je travaille depuis plus de trois ans et demi dans l’édition maintenant, et mon rapport à ce que je considère comme mes “lectures professionnelles” a beaucoup évolué. Il n’empêche que lire pour le travail reste une part importante de ma vie de lectrice, et monopolise parfois une bonne partie de mon temps disponible.

Lire pour le travail : le métier de lecteur

Je me voyais mal commencer cet article sans aborder le métier de lecteur, associé souvent à celui de lecteur-correcteur. Si je n’ai pas la formation d’un lecteur-correcteur, j’ai déjà été lectrice pour des maisons d’édition différentes.

Je pense y consacrer un article plus détaillé dans les prochains mois, mais voici en quelques mois en quoi cela consiste : les maisons d’édition se dotent de comités de lecture, internes ou externe, pour évaluer la qualité des manuscrits. Parce qu’évidemment, quand on reçoit des dizaines de manuscrits par jour, un éditeur (qui a par ailleurs plein d’autres attributions) ne peut certainement pas tout lire.

Le travail du lecteur indépendant

Les maisons font donc appel à des lecteurs (souvent indépendants) à qui elles confient des manuscrits, en l’échange d’une fiche de lecture. Me concernant, je n’ai jamais lu de manuscrits français, mais toujours des manuscrits anglophones. Il s’agit de textes prêts à être publiés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis ou en Australie par exemple, dont les éditeurs aimeraient vendre les droits en France.

Les éditeurs paient ainsi des lecteurs pour lire, et pour donner leur avis sur un texte.

Attention : si le métier fait envie, les places sont évidemment peu nombreuses, et il s’agit bien souvent d’une activité que l’on fait “à côté”, car il me semble difficile d’en vivre.

Lire pour connaître le catalogue de sa maison d’édition

Depuis que je travaille pour des maisons d’édition, on m’a toujours incitée de façon plus ou moins claire à lire les livres du catalogue, et en particulier les livres tous juste parus ou à paraître.

J’ai la chance d’avoir toujours travaillé pour des maisons d’édition dont les parutions m’attiraient, mais j’ai conscience que c’est presque un luxe. Ce n’est évidemment pas le cas de tout le monde !

Pour autant, de la même façon qu’un journaliste qui interviewe un auteur sans avoir lu son livre fait toujours mauvais effet, une attachée de presse qui appellerait le même journaliste sans pouvoir pitcher le livre aurait l’air bien bête. J’ai déjà ressenti une fois ce sentiment, quand je venais de prendre mon tout premier poste. Je devais présenter un livre à un interlocuteur extérieur par téléphone. Et là, le blanc. La honte en somme !

Mais peut-on vraiment tout lire ?

J’ai travaillé pour des maisons qui publiaient aussi bien 20 livres par an que… 500. Inutile de vous dire que dans le dernier cas, il est absolument impossible de tout lire. Dans ce cas, on va à l’essentiel. J’essaie personnellement de jongler entre mes goûts personnels et impératifs pro. Par exemple, il y a parfois des livres qui me tentent moins, mais sur lesquels je sais que je vais beaucoup travailler, et pour lesquels l’impasse n’est pas possible.

Lire son catalogue, c’est mieux le maîtriser pour pouvoir en parler, c’est aussi s’éviter à nouveau la honte devant son auteur. Rien de pire que de devoir botter en touche quand l’auteur pour qui vous travaillez vous parle de son dernier roman…

Parce que mes journées font 24h comme tout le monde et que je ne passe pas mon temps à lire au bureau, je ne peux donc pas lire tous les livres sur lesquels je suis parfois amenée à travailler. Est-ce grave ? Non. Il faut juste apprendre à ruser. Pour les livres que je ne lis pas, il existe toujours des combines : lire et relire les argumentaires de vente, en parler avec des collègues qui l’ont lu… en bref, on fait comme on peut, au moins pour savoir suffisamment bien en parler.

Lire pour le travail : plaisir ou contrainte ?

J’aimerais vous dire qu’étant passionnée par la lecture (et par extension mon métier), lire pour le travail est toujours un plaisir. Là encore, au risque d’en décevoir certains : non. Quand je lis pour le plaisir, je choisis mes lectures, et le moment auquel j’ai envie de les lire. Les impératifs professionnels n’offrent pas toujours cette possibilité.

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Lire pour le travail implique également souvent de le faire sur son temps personnel. En effet, désolé de casser le mythe, mais de même qu’un libraire passe plutôt son temps à porter des cartons qu’à lire derrière sa caisse, je n’ai pas la chance de pouvoir lire au bureau toute la journée. Ce n’est évidemment pas interdit, mais on considère implicitement que cela se peut se faire sur le temps personnel. Surtout, même si j’en ai souvent envie, j’ai bien trop de choses à faire pendant ma journée de travail pour me le permettre !

Bien sûr, cela n’est pas forcément déplaisant. Je suis la première à être surexcitée à l’idée de découvrir le dernier roman d’un auteur que j’adore en avant-première. Mais parfois, certaines lectures vous enchantent juste moins, ou le fait d’être pressé par le temps peut vous refroidir.

Les petites joies de la lecture pro

Je ne lis pas de la même façon quand je lis “pour moi” ou “pour le travail”. Il y a par exemple des genres que je lis très peu par plaisir, et sur lesquels j’adore pourtant travailler.

J’ai adoré travailler sur certains titres que je n’aurais jamais achetés dans une librairie, pour de nombreuses raisons.

Lire pour le travail me fait donc souvent sortir de ma zone de confort, avec parfois de très belles découvertes à la clé. Mon petit bonheur : avoir un coup de cœur pour un texte, et essayer de le défendre par tous les moyens.

En lisant pour le travail, j’ai réussi à dépasser la simple question du “j’aime/j’aime pas”. Aujourd’hui, quand je lis un texte sur lequel je vais travailler, j’espère qu’il va me plaire, mais je songe toujours surtout à qui il pourrait plaire, plus qu’à moi !

 

Et vous, lire pour des raisons professionnelles, ça vous parle ? Préférez-vous au contraire que cela reste un loisir ?

8 Comments

  • carnetparisien

    Ahahah beaucoup de gens pensent en effet que travailler dans l’édition = lire toute la journée. Faux, bien sûr, et heureusement tout de même.
    En attendant, lorsque je lis pour le boulot, je n’ai absolument pas le même regard. Je retiens ce que je peux mettre en avant, j’essaie de noter des accroches, je mémorise la description des personnages… bref, c’est un oeil différent !

    • Laroussebouquine

      Oui complètement, lire un livre pour le plaisir et en lire un pour savoir bien le vendre, ce n’est pas du tout le même exercice, même si (heureusement) on peut trouver du plaisir à faire les deux !

  • Sorbet-kiwi

    Merci pour cet article hyper intéressant ! En tant que documentaliste, je n’ai pas du tout le même rapport aux livres puisque c’est strictement personnel, du coup. Heureusement que je ne dois pas lire de livres sur l’ingenieurie du démantelement de centrales nucléaires, ce serait une torture ahah.

  • L&T

    Encore un article très intéressant, c’est sympa d’avoir le côté “coulisses” du monde de l’édition qui reste assez opaque. J’imagine, en effet, que tu ne lis pas de la même façon et que tu ne retiens pas les mêmes choses. Cela doit être parfois un peu déroutant. Cela ne te “sors” pas trop de l’histoire ?
    Je lis également énormément pour mon travail mais il s’agit de textes juridiques, commentaires ou thèses (donc pas tout à fait la même chose haha). C’est d’ailleurs pour cela que je prends beaucoup de plaisir à retrouver mes lectures “plaisir” en fin de journée, mais j’ai souvent besoin d’une pause après avoir lu pendant 10h pour le travail.

    • Laroussebouquine

      C’est vrai que tu varies énormément niveau lectures entre romans et textes juridiques !

      Je pense que non, je reste toujours dans l’histoire ! Il y a parfois des romans que je critiquerais beaucoup si je les lisais “pour moi”, mais que j’aime lire pour le travail car ils se lisent très facilement par exemple, que l’intrigue est efficace, et que je sais qu’ils vont plaire à un large public !

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