La Lectrice

Par le vent pleuré – Ron Rash

Par le vent pleuré de Ron Rash aux éditions du Seuil faisait partie des romans américains que je souhaitais le plus découvrir en cette rentrée littéraire. Je l’ai découvert à l’aveugle et je n’ai pas été déçue du voyage.

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Dans une petite ville paisible au cœur des Appalaches, la rivière vient de déposer sur la grève une poignée d’ossements, ayant appartenu à une jeune femme. Elle s’appelait Ligeia, et personne n’avait plus entendu parler d’elle depuis un demi-siècle. 1969 : le summer of love. Ligeia débarque de Floride avec l’insouciance et la sensualité de sa jeunesse, avide de plaisirs et de liberté. C’est l’époque des communautés hippies, du Vietnam, de la drogue, du sexe et du Grateful Dead. Deux frères, Bill et Eugene, qui vivent bien loin de ces révolutions, sous la coupe d’un grand-père tyrannique et conservateur, vont se laisser séduire par Ligeia la sirène et emporter dans le tourbillon des tentations. Le temps d’une saison, la jeune fille bouleversera de fond en comble leur relation, leur vision du monde, et scellera à jamais leur destin – avant de disparaître aussi subitement qu’elle était apparue. À son macabre retour, les deux frères vont devoir rendre des comptes au fantôme de leur passé, et à leur propre conscience, rejouant sur fond de paysages grandioses l’éternelle confrontation d’Abel et de Caïn.

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Par le vent pleuré est un roman américain à l’atmosphère pesante ; la moiteur de l’été vient d’emblée faire suffoquer le lecteur et l’emmène en Caroline, où deux frères se font un peu d’argent de poche en travaillant dans la clinique de leur grand-père. L’après-midi, ils vont souvent près de la rivière pour pêcher ou lambiner. Jusqu’au jour où ils la voient – Ligeia, leur sirène. Une rencontre qu’ils ne risquent pas d’oublier. Quand de nombreuses années plus tard des ossements d’une jeune femme sont retrouvés près de la rivière, les deux frères vont voir beaucoup de souvenirs remonter, quitte à devoir faire face à de vieux démons.

“Si j’avais pu deviner comment tournerait ta vie, Eugene, il y aurait eu une certaine charité à t’en parler – ça aurait justifié ton ivrognerie et tout ce que tu as fait subir aux autres et à toi-même. Mais tu n’as même pas d’excuse. Ta vie, tu l’as bousillée tout seul.”

Ron Rash fait le portrait d’Américains opposés entre valeurs morales et divertissement et plaisirs, qui s’affrontent autour de convictions différentes. Leur langue est acérée et l’atmosphère de suite très sombre : ce polar au cœur de l’été a pour autant tout de glaçant. Ici, pas de vieux roublard ou de loustic en vue, mais deux frères dont les chemins se sont séparés après un été mouvementé. L’auteur distille ses indices et la tension monte vite. Les révélations finales s’enchaînent de façon inattendue, laissant le lecteur perplexe.

Par le vent pleuré est un excellent roman américain, au-delà d’un bon polar. Ron Rash signe en cette rentrée littéraire un roman noir haletant, rappelant la phase moins glorieuse des années hippies au cœur d’une Amérique puritaine. Un court roman à lire sans hésiter !

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par le vent pleuré

Par le vent pleuré ; Ron Rash

Editions du Seuil

17 août 2017

200 pages

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