tenir jusqu'à l'aube de carole fives
La Lectrice

Tenir jusqu’à l’aube – Carole Fives

Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives est un court roman que je n’étais pas sûre de vouloir lire en cette rentrée littéraire – la couverture avec une chevelure rousse flamboyante avait pourtant bien des raisons de m’attirer. Néanmoins, ne me sentant pas encore concernée par le sujet de la maternité, j’avais peur de ne pas y être totalement sensible. Je me suis bien trompée !

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« Et l’enfant ?
Il dort, il dort.
Que peut-il faire d’autre ? »
Une jeune mère célibataire s’occupe de son fils de deux ans. Du matin au soir, sans crèche, sans famille à proximité, sans budget pour une baby-sitter, ils vivent une relation fusionnelle. Pour échapper à l’étouffement, la mère s’autorise à fuguer certaines nuits. A quelques mètres de l’appartement d’abord, puis toujours un peu plus loin, toujours un peu plus tard, à la poursuite d’un semblant de légèreté.
Comme la chèvre de Monsieur Seguin, elle tire sur la corde, mais pour combien de temps encore.

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Tenir encore. Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives est le roman d’une lutte sourde et intime, d’un combat inavouable, celui d’une mère seule dépassée par les événements et qui s’octroie le droit de souffler le soir en laissant son enfant seul à la maison.

Une mère au bord du gouffre

Elle vit dans un appartement où elle n’a plus les moyens de payer le chauffage, marche sur les Lego, travaille en free-lance, ne trouve plus de nouvelles missions. Sa routine c’est steak haché – jeux d’enfants – coquillettes, elle chante des comptines sans beaucoup y croire, n’a plus le courage de hausser la voix, et se mure dans le silence. Alors le soir, elle sort. Elle respire, admire les lumières d’une ville dans laquelle elle se sent invisible, marche fièrement comme elle le faisait avant. Quand elle n’avait pas d’enfant.

Le père est parti. Il n’a même pas rendu les clefs, il a juste claqué la porte, et n’est pas revenu. Alors elle garde ses affaires, au cas où il lui prendrait l’envie de revenir. Sans jamais penser à une quelconque pension alimentaire. De toute façon, s’il arrivait quelque chose à son fils, qui instinctivement appellerait le père ?

Les moments où elle souffle sont des moments de honte. Une mère n’abandonne pas son enfant. Elle l’aime quoi qu’il arrive, elle doit veiller sur lui comme le lait sur le feu. Une mère est forcément épanouie. Une mère ne se plaint pas. Même seule. Même dépassée. Même sans argent.

Dépasser l’image de la mère parfaite

Tenir jusqu’à l’aube de Carole Fives est un roman fort de cette rentrée littéraire – poignant, comme profondément salvateur. A une époque où on prône la “parentalité positive” et où les mères parfaites affichent leur progéniture tout sourire et sans tâche sur divers blogs ou Instagram, ce roman casse l’image de la mère parfaite et pointe du doigt la virulence avec laquelle on juge les femmes qui montrent des signes de faiblesse et pour qui la maternité n’est pas qu’un cadeau des dieux. L’auteure signe un roman cruellement d’actualité où les juges des bonnes mœurs sont partout, tapis dans l’ombre. C’est l’histoire d’une mère qui s’interdit de craquer, et bien que je ne sois pas mère, cela touche forcément.

Un roman de la rentrée littéraire que je suis ravie d’avoir découvert et que je vous recommande forcément.

Un – demi – merci à Agathe The Book qui m’a fait lâcher toutes mes autres lectures pour commencer celui-ci d’office. Sa chronique juste ici : Tenir jusqu’à l’aube – Agathe the Book

 

tenir jusqu'à l'aube de carole fives

Tenir jusqu’à l’aube ; Carole Fives

Éditions Gallimard (L’Arbalète)

16 août 2018

177 pages

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