La Lectrice

Là où se croisent quatre chemins – Tommi Kinnunen

Là où se croisent quatre chemins ; Tommi Kinnunen

Albin Michel

4 janvier 2017

351 pages

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Au nord de la Finlande, un village perdu au cœur de la taïga voit se nouer le destin d’une famille. Tout commence en 1895 avec Maria, qui élève seule sa fille et à qui la profession de sage-femme assure une certaine indépendance. Dans l’ombre de sa mère, Lahja cherche quant à elle à s’affirmer en réalisant son rêve ; fonder un foyer. Mais Onni, l’homme qu’elle a choisi, revenu de la guerre en héros, cache un secret qui compromet toute promesse de bonheur. Des décennies plus tard, en s’installant dans la maison familiale, Kaarina, leur belle-fille, va faire tomber silences et non-dits transmis de génération en génération…

A travers les voix de ces quatre personnages, Tommi Kinnunen réussit une fresque intimiste bouleversante, véritable portrait de la société finlandaise au XXème siècle. Elu meilleur livre 2014 par le Finnish Grand Journalism Prize, ce premier roman remarquable révèle un immense talent.

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C’est le premier livre de cette rentrée littéraire d’hiver 2017 que j’ai attaqué et il me donne d’ores et déjà envie d’en découvrir plein d’autres. Ces derniers jours, j’avais envie d’un roman glacé comme les paysages et d’une ambiance intimiste. Rien de tel donc qu’une bonne saga familiale en Finlande.

Ce livre a beaucoup de points positifs et beaucoup de défauts, ce qui rend cette chronique finalement compliquée à écrire. Car dans l’ensemble, j’ai passé un très bon moment de lecture avec ce livre. Je l’ai lu en quelques jours à peine, et si tous les passages ne m’ont pas captivée, il y avait toujours quelque chose qui me retenait dans cette lecture et me donnait envie d’en savoir plus.

Tommi Kinnunen signe un roman ambitieux, qui se déroule sur un siècle complet, autour de trois voire quatre générations. Son roman est découpé en plusieurs parties, toutes sous le point de vue d’un personnage différent de l’histoire : Maria, l’aïeule sage-femme, Lahja sa fille, Onni son mari, et Kaarina leur belle-fille, mariée à leur fils Johannes. Thumbs si vous arrivez toujours à suivre. Dans chacune des parties, l’auteur nous détaille quelques anecdotes dans des chapitres courts, et de chapitre en chapitre, on saute à chaque fois plusieurs années. Autant ces ellipses ont évidemment du sens pour le roman, autant parfois, il est finalement difficile de suivre et je me suis sentie un peu destabilisée : en avançant et en revenant dans le temps avec chaque personnage, on s’y perd un peu et surtout, on ne pense pas toujours au fait que les personnages ont vieilli entre deux.

Mais très clairement, je chipote. C’est en effet un beau roman, très bien écrit avec une intrigue un peu tire-larmes certes (le défaut que je reproche le plus souvent aux sagas familiales), mais qui ne tombe pas complètement dans le pathos. L’auteur, en à peine trois cent pages nous produit une fresque familiale incroyable, avec des personnages conséquents, loin de la caricature. On en aime certains, d’autres moins. Entre autres, la Lahja, je l’aurais bien foutue au feu. Mais le pire c’est que je suis sûre d’être aussi insupportable, ou presque. Passons.

Alors oui, même avec les ellipses, il y a des longueurs. Mais très peu. J’ai globalement suivi le récit de cette famille à qui il arrive bien des malheurs avec avidité, voulant connaître sur la toute fin les gros secrets qui rendent certains personnages antipathiques. Et je n’ai pas été déçue. L’auteur ménage son suspense, et chaque détail vient à point nommé. Les relations compliquées, les regrets, les désaveux, tout s’éclaircit d’un coup et j’ai finalement refermé ce livre avec un doux sentiment de mélancolie.

“Hors de la famille il n’y a rien, rien que des coups frappés à la porte d’inconnus. Juste des coups d’œil discrets dans les pissotières.”

J’ai la sensation d’avoir effectivement passé un certain temps en Finlande grâce à ce livre ; d’avoir ressenti le mal des femmes à l’aube du XXème qui mettaient au monde leurs enfants dans des conditions déplorables, ou d’avoir senti la chaleur du sauna à chaque louche d’eau rajoutée sur les pierres chaudes. C’est pittoresque, un peu. Mais pas niaiseux, et c’est toute la différence.

“Chaque fois, elle a enfilé sa fourrure de loup et attrapé sa sacoche, ordonné à Lahja d’aller chez la voisine et décampé. Des centaines et des centaines de naissances, de baptêmes d’urgence, de Notre Père récités par respect pour les morts in utero et en mémoire des femmes en couche saignées à blanc. Encore et toujours des femmes aux os fragiles se renversent sur leur lit pour attendre leur dixième enfant ou plus. Elles hurlent et crient, poussent et pressent, s’évanouissent et appellent à la rescousse leurs mères, leurs sœurs et le sévère Dieu du ciel, jusqu’à ce qu’elles reçoivent dans leurs bras un arrivant braillard couvert de sang.”

Je vous invite donc, malgré mes quelques légères réticences, à découvrir la plume folle de Tommi Kinnunen (et celle de son traducteur, sans aucun doute), qui m’ont fait voyager dans le nord de l’Europe pendant quelques jours. Escale livresque que je referai volontiers !

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