La Lectrice

Journal d’un Vampire en Pyjama – Mathias Malzieu

Journal d’un Vampire en Pyjama ; Mathias Malzieu

Albin Michel

27 janvier 2016

233 pages

Quatrième de couverture : « Me faire sauver la vie est l’aventure la plus extraordinaire que j’aie jamais vécue. »

Mon avis : Vous le savez peut-être maintenant, j’aime les histoires de blouses blanches, de médecins, d’hôpitaux, même si j’ai une phobie monstre de tout ce qui est médical dès que ça me concerne (si si). Et pourtant. Même quand il s’agit d’histoires médicales, je suis difficile à satisfaire. Faut avouer qu’en même temps, QUI regarde Grey’s Anatomy juste pour les bistouris ? Franchement ? Faîtes pas genre vous matez pas la belle tête du Dr Avery au passage. Quand même.

giphy lg

Parce que les histoires médicales, ça peut vite devenir pénible et surtout, vous passer l’envie de manger pendant un petit moment. Avouez-le : qui n’a pas dans son entourage un grand oncle ou un ami un peu chiant qui se sent de vous raconter toouuuus les détails de sa coloscopie ou de son dernier lavement d’estomac ?

Dans ce genre de moment, j’ai plutôt envie de fuir. Parce que d’une, y’a plus Jackson Avery, et de deux, c’est franchement pas ragoutant. Ni distrayant d’ailleurs.

200 (3)

Peut-être que je manque de compassion, vous allez me dire. Je pense surtout que ce genre d’histoires n’est intéressant que de la façon dont elle est racontée. Autrement dit, quand tonton Roger vous raconte comment sa vasectomie l’a fait souffrir, ça m’ennuie profond. Parce qu’au fond, c’est pas si grave, et personne n’a envie de connaître tous les détails un peu dégueu.

Mais quand c’est Mathias Malzieu qui s’y colle, tout de suite… ça devient différent. J’ignorais qu’il me serait possible d’être captivée par deux cents pages d’histoires de prises de sang, de transfusions et de chambre stérile. Non pas que je trouve cela inintéressant. Mais parce qu’en tournant les pages, je sentais cette pression, ce besoin d’en savoir plus, d’atteindre vite le passage où il nous annoncerait à nous, chers petits lecteurs impatients, qu’il était guéri. Dans ce roman – qui relève bien plus du témoignage et de l’autobiographie que du roman d’ailleurs – il nous raconte sa descente aux enfers, sa longue maladie, le moment où ses défenses immunitaires sont réduites à néant. Tel un vampire, il est désormais dépendant du sang des autres pour vivre. De leur patience, de leur complaisance aussi parfois. Parce qu’un malade, ça ne vit pas au même rythme que les autres. Ça vit pour des échéances, des examens à passer et des résultats à attendre, non sans espoir.

Mathias Malzieu glisse dans ce livre de la poésie dans un milieu où elle est absente ; le monde stérile et triste des hôpitaux, entre salles d’attente, seringues et médecins dont les discours sont toujours clairs et mesurés. Il retrace son parcours, sa bataille qui aura duré plus d’un an contre l’infection de sa moelle osseuse. L’humour s’allie à la mélancolie et le ton est lourd. On a le cœur gros en refermant ce livre. Et on se dit que tout va bien, finalement. Car on peut aller faire une orgie au McDo du coin si l’envie nous en prend, se taper des cuites au Coca Light, embrasser son amoureux le soir, et faire du skate dans la rue. Tout cela, il en a rêvé, pendant des mois. De choses simples, auxquelles on s’habitue facilement, jusqu’à ce qu’elles perdent de leur valeur.

“Le sommeil ne vient pas, je vais me chercher tout nu du Coca dans le frigidaire. Le boire glacé à en chialer des bulles. Prendre un goûter à quatre heures du matin en regardant les étoiles scintiller au loin dans la brume tel un feu d’artifice raté. Regarder Rosy dormir, ses seins remontant à la surface de la couette comme des îles flottantes. Voir le petit matin effacer la lune avec sa gomme en forme de nuage. Prendre une double dose d’assomnifères et s’écrouler enfin.”

Ce livre est une ode à la vie. A la fantaisie, aussi. A l’espoir. Mathias Malzieu est ce vampire incongru, il glisse des arc-en-ciels dans sa chambre stérile qui porte si bien son nom, il apporte de la lumière là où il n’y en a pas. Peut-être inconsciemment d’ailleurs. Et c’est là toute sa force. Son écriture est douce et mélodieuse, elle nous emporte à renfort de métaphores poétiques.

“Les infirmières portent des armoires à glace émotionnelles sur leur dos en souriant. Ce sont les grandes déménageuses de l’espoir. A elles la lourde tâche de diffuser quelques bribes de lumière aux quatre coins de l’enfer, là où les anges perdus font du stop à main nue.” 

C’était une lecture puissante, mais aussi pleine d’une douce mélancolie. D’un ton rêveur parmi les résultats médicaux négatifs qui s’enchaînent, comme pour conjurer le sort. Pleine d’espoir, et qui m’a finalement donné le sourire plus qu’elle ne m’aura donné envie de pleurer.

Je n’avais pas vraiment été convaincue par Maintenant qu’il fait tout le temps nuit sur toi de l’auteur. Peut-être une erreur de parcours. Je sais maintenant que je relirai un de ses livres sans hésiter une seconde.

 couv31644743

27 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *