La Lectrice

Elle voulait juste marcher tout droit – Sarah Barukh

1946. La guerre est finie depuis quelques mois lorsqu’Alice, huit ans, rencontre pour la première fois sa mère. Après des années à vivre cachée dans une ferme auprès de sa nourrice, la petite fille doit tout quitter pour suivre cette femme dont elle ne sait rien et qui lui fait peur, avec son drôle de tatouage sur le bras.
C’est le début d’un long voyage : de Paris à New York, Alice va découvrir le secret de son passé, et quitter à jamais l’enfance.

Comment trouver son chemin dans un monde dévasté par la guerre ? Avec une sensibilité infinie, Sarah Barukh exprime les sentiments et les émotions d’une enfant prise dans la tourmente de l’Histoire.

**

       C’est l’histoire d’une petite fille qui n’est pas née à la bonne époque. Quand elle demande à sa nourrice pourquoi elle ne pas faire ci ou ça, la réponse est toujours la même : Parce que c’est la guerre.

Mais au fond la guerre c’est quoi ? Alice ne le sait pas vraiment. Elle sait juste qu’à cause de ça elle doit vivre loin de sa mère, qui l’a déposée chez une nourrice lorsqu’elle était petite. Et Jeanne, dans sa ferme a beau être la femme la plus aimante du monde, rien ne remplace jamais une mère. Alors sur son petit sac d’écolière, elle accroche ses habits de bébé, dans l’espoir qu’un jour, si sa maman passait par là, elle puisse alors la reconnaître.

Ce livre est une pépite. Un coup de cœur monstrueux qui m’a laissée toute chose une fois ma lecture terminée. Un petit trésor insoupçonné, bref, une bombe – sans vouloir filer la métaphore plus longtemps.

Je m’attendais à un énième roman sur la seconde Guerre Mondiale, et très clairement je m’étais mis le doigt dans l’œil. Elle voulait marcher tout droit, c’est un concentré d’émotions sur quatre cents pages, où on ne voit pas le temps passer et où on ne s’ennuie pas une seconde.

Alice est une petite fille à laquelle on s’attache dès les premières pages. C’est une enfant un peu espiègle, qui comme tous les enfants de son âge à des questions à revendre sur l’ordre des choses et du monde et qui fait quelques caprices, sans pour autant manquer de courage. Elle a huit ans quand sa mère vient la chercher chez sa nourrice après la guerre, et ce devrait être le plus beau jour de sa vie. Mais celle-ci ne ressemble en rien à l’image qu’elle s’en était faite : elle est toute chétive, n’est pas bien causante et surtout, elle ne semble pas d’humeur à jouer ou à faire des câlins. Elle débarque dans le Paris encore remué par la guerre et personne ne s’en est vraiment remis.

Comment évoluer lorsqu’on est une petite fille, que l’on a rien connu de tout ça et qu’il faut se construire dans les décombres d’un pays endeuillé ?

“Alice s’assit sur les marches et réfléchit un long moment. Puis elle dit :
– Je crois qu’en fait, la guerre n’est pas finie.
– Ma mère aussi pense ça. Elle dit qu’elle finira jamais vraiment.”

Alice fait alors un grand périple de Paris à New York sur les traces de sa famille, mais la déception est souvent au rendez-vous. C’est finalement un grand roman initiatique, sur une jeune fille qui veut tout faire pour se faire accepter des siens et leur faire retrouver la joie qu’ils ont perdue dans des circonstances dont elle ne sait rien.

Sarah Barukh signe un roman incroyable, dont on ne perd pas une miette. Il n’y a pas une page en trop, et j’ai terminé le livre en très peu de temps tant il m’en fallait toujours plus. Son écriture est magistrale, douce-amère, sans fioritures. Je me suis laissée bercer tout au long du roman et je n’ai pas pu m’empêcher de relever de nombreuses citations.

“Si j’avais su… La vie n’est pas décevante tu sais, c’est l’écart entre ce que nous projetons et la réalité qui est intolérable.”

La force de ce roman réside aussi dans son aspect historique : on y retrouve de nombreux détails qui ajoutent énormément d’authenticité à l’histoire, que ce soit à Paris comme à New York. On sent que l’auteur maîtrise son sujet et l’histoire n’en est que plus vivante.

Sarah Barukh nous offre donc un premier roman d’une force incroyable, qu’on ne peut pas lâcher. Un portrait d’une jeune fille de l’après-guerre sublime, qui mériterait bien plus de visibilité !

couv484829

Sarah Barukh ; Elle voulait juste marcher tout droit

Albin Michel

1er février 2017

423 pages

12 Comments

      • L'ivresse littéraire

        Les 68 premières fois regroupent une sélection de premiers romans et a été initié par “L’insatiable Charlotte”. Il y a deux sessions, une pour la rentrée littéraire de janvier (celle dont je fais partie) et une pour la session de septembre. Les livres voyagent entre les différents participants durant plusieurs mois. L’idée étant de faire découvrir des pépites qui ne sont pas forcément mises en lumière ailleurs mais aussi de promouvoir, en quelque sorte, de nouveaux auteurs. Les participants échangent entre eux autour de ces lectures sur un groupe dédié sur Facebook et via les chroniques de blog. Je sais qu’il y aussi des soirées organisées au Mans ou encore à Paris.
        Il y a une demande d’inscription à remplir au préalable et tu es recontactée si tu es sélectionnée. Si ça t’intéresse il y a une page Facebook dédiée et un blog également.
        Je pense que j’ai résumé le tout 😀

        • Laroussebouquine

          Effectivement, avec ça j’ai pas mal d’infos ! Je vois tout le temps passer ça sur les blogs et je ne savais pas trop ce que c’était. Chouette initiative !

  • Eva

    j’avais aussi un peu peur de lire un énième roman sur la seconde guerre mondiale…et le titre et la couverture ne m’attiraient pas du tout! avec ton billet, je révise mon jugement!

    • Laroussebouquine

      Finalement il traite surtout de “l’après”, et je trouve qu’on en parle peu d’habitude… C’est vraiment très intéressant du point de vue d’un enfant qui ne demande qu’à grandir en jouant et n’a rien demandé, et qui ne comprend pas pourquoi les adultes souffrent autant !
      Ça m’a vraiment donné une vision différente de ces années qui ont suivi la guerre et qu’on semble unanimement considérer comme des années de fête et de libération… La libération des esprits aura été bien plus lente je crois !

  • Gwenn Ha Lu

    Ah voilà un billet qui me donne envie d’aller dans ma librairie préférée pour me procurer ce roman. Il regroupe tout ce que j’aime : parcours initiatique, héroïne de caractère, l’histoire qui rejoint la Grande Histoire.
    Allez hop, sur ma PAL du mois d’Avril !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *