Rencontres

Rencontre avec Emmanuelle de Boysson, entre nostalgie des 70’s et amour des livres

Il y a quelques semaines je vous parlais d’une des sorties de la rentrée littéraire d’hiver 2017, à savoir Les Années Solex d’Emmanuelle de Boysson chez Héloïse d’Ormesson. J’ai vraiment adoré ce roman sur la vie d’une adolescente près de Mulhouse dans les années 1970, dans un contexte post-68 où les conflits de génération sont nombreux.

Emmanuelle de Boysson est auteur, essayiste et critique littéraire. C’est aussi la fondatrice et la présidente du Prix de la Closerie des Lilas. Les Années Solex est son dernier roman.

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Comment avez-vous eu l’idée de votre dernier roman ? J’ai notamment adoré certains personnages qui ont une personnalité bien à eux. Par quoi avez-vous été inspirée ?

Emmanuelle de Boysson : L’idée m’est venue il y a quelques années en relisant mon journal intime sur des cahiers d’adolescente entre 14 et 17 ans. J’y racontais ce que je vivais avec beaucoup de détails : anecdotes, fugues, premier amour, relations avec mes parents, ma cousine, les films que je voyais, les musiques que j’écoutais, les livres que je lisais. De la période hippie à celle de la rébellion gauchiste jusqu’à mon départ à Paris, il y avait là matière à roman sur les mutations d’une jeune fille. Et surtout, j’ai senti que ces années d’ouverture, de rêves, de désirs puis de désillusions pouvaient toucher chacun. J’ai commencé une première version, l’ai reprise, puis il y a deux ans, me suis décidée à construire un roman autour de ces souvenirs, en récréant le passé, en imaginant un fil rouge : cette histoire d’amour.  J’ai suivi mon désir, sans savoir qui m’éditerait ! Trois éditeurs ont voulu le publier !

Pourquoi avoir choisi de parler des années 1970 ? Avez-vous une affection toute particulière pour cette période ?

E de B : J’ai la nostalgie de ces années post soixante huit si poétiques où souffle un vent de liberté. Des années pleines de créativité : en musique par exemple : avec les Beatles, les Rolling stones, Dylan, Donovan, les Beach Boys… Les jeunes étaient porteurs d’un idéal de justice, de libération sexuelle et d’émancipation de la femme, de «  Peace and Love ». Ils remettaient en question l’ordre, l’autorité, les privilèges… Bien sûr, il y avait de l’irréalisme, mais ils ont fait bouger les choses !

CVT_Les-annees-Solex_554Je me suis prise d’affection pour le personnage de Juliette. Elle veut bien faire mais elle est tiraillée par tout un tas de pulsions adolescentes. Pourquoi d’ailleurs avoir choisi d’écrire cette histoire du point de vue d’une adolescente ?

E de B : La voix de l’adolescente me semblait sincère et nécessaire pour comprendre ses métamorphoses, sa rébellion, ses questions, son sentiment d’être incomprise, jugée par la morale de sa mère. Elle rêve de devenir écrivain, mais celle-ci lui dit que ce n’est pas un métier. Elle lui interdit d’avoir un petit ami, lui dit : « les garçons sont dégoûtants » ! Juliette se débat pour transgresser les interdits, mais elle va se replier, se renfermer. Je voulais donc que le lecteur vive avec elle son évolution, se sente proche de ses réflexions, de ses peurs, de ses espoirs, de ses passions dont celle de la littérature. Le regard de l’adulte me semblait intéressant aussi. Avec le temps, la narratrice éprouve de la tendresse pour l’adolescente qu’elle a été.

On sent que vous êtes très attachée à la région de Mulhouse et de l’Alsace. Était-ce une évidence d’implanter votre histoire à cet endroit ?

E de B : Absolument ! J’ai vécu à Mulhouse, j’ai passé des vacances près de Strasbourg. Je suis très attachée à l’Alsace, à mes racines !

Je sais aussi qu’en plus d’être auteur, vous êtes critique littéraire. Pourriez-vous m’en dire plus ? Quel est l’aspect de ce métier que vous préférez ?

E de B : Critique littéraire à Version Fémina, je lis beaucoup. J’aime surtout dénicher des pépites, de bons romans dont la presse ne parle pas assez. J’attache beaucoup d’importance au style, cette musique qui fait la marque d’un écrivain. Je me méfie des romans construits avec les ingrédients du succès. J’aime être surprise, émue, croire en une histoire, emportée par la poésie, l’humour, la fantaisie d’un auteur. Ce qui me nourrit surtout ce sont les classiques. Je relis actuellement l’œuvre de Jean Freustié, un immense écrivain. Et je reviens toujours à Stendhal et surtout Proust !

Finalement, quand on reçoit énormément de livres d’un coup (surtout dans le cadre de la rentrée littéraire par exemple), comment fait-on un choix pour savoir quoi lire en premier ?

E de B. : Impossible de tout lire ! (rires) Je me fie à mon instinct, à mes goûts, je lis le début et si le texte me tombe des mains, j’arrête.  Il y des auteurs que j’aime et que je suis depuis longtemps. D’autres que je découvre, parfois à cause d’un titre qui « m’appelle ».

Que pensez-vous du phénomène des blogs littéraires ou des “Booktubers” ? Est-ce que ce sont pour vous des “apprentis critiques littéraires” crédibles ?

E de B : J’adore les blogs littéraires, la sincérité, la spontanéité, l’enthousiasme de ces critiques qui lisent pour le plaisir et peuvent faire le succès d’un roman en partageant à une communauté d’amis leurs coups de cœur ! Je lis tous les articles des blogs sur mon roman et souvent, j’en apprends beaucoup sur mon livre !

FRITSCH - Jardin de Winter.inddUn petit mot (presque obligé) pour la fin : votre dernier coup de cœur littéraire que vous aimeriez partager ?

E de B : « Le jardin de Winter » de Valérie Fritsh, une jeune autrichienne (Phébus). Une pure merveille que ce jardin extraordinaire, image d’un passé parfait où jeunes et vieux vivaient en harmonie, avec mille rituels, recettes, dans une demeure entouré d’une végétation luxuriante. Avant le déluge, la montée des eaux, les suicides collectifs. Un conte !

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Les Années Solex ; Emmanuelle de Boysson chez Héloïse d’Ormesson. 224 pages. Paru le 2 février 2017 – et trouvable dans toutes les bonnes librairies !

Merci à l’auteur d’avoir pris le temps de répondre à mes questions !

Crédits photo : Philippe Matsas-Leemage pour Héloïse d’Ormesson

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