La Lectrice

Réparer les Vivants – Maylis de Kerangal

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Titre : Réparer les Vivants

Auteur : Maylis de Kerangal

Editions : Gallimard – Collection Folio

Date de parution : 13 mai 2015

Nombre de pages : 304

Quatrième de couverture : « Le cœur de Simon migrait dans un autre endroit du pays, ses reins, son foie et ses poumons gagnaient d’autres provinces, ils filaient vers d’autres corps. »
Réparer les vivants est le roman d’une transplantation cardiaque. Telle une chanson de gestes, il tisse les présences et les espaces, les voix et les actes qui vont se relayer en vingt-quatre heures exactement. Roman de tension et de patience, d’accélérations paniques et de pauses méditatives, il trace une aventure métaphysique, à la fois collective et intime, où le cœur, au-delà de sa fonction organique, demeure le siège des affects et le symbole de l’amour.

Mon avis : On voit ce livre partout dans les librairies, sur les blogs, dans les rues, avec un bandeau équivoque : le livre aux 10 prix littéraires. Forcément, ça attire. Ça suscite l’attention, ça intrigue. La Rousse l’a testé pour vous.

Réparer les Vivants est un condensé de poésie, d’amour et d’émotions sur trois cents pages, comme le laisse déjà supposer le titre. C’est un roman qui évoque l’indicible, l’inimaginable : un accident et la mort d’un jeune homme de 19 ans. L’écriture de Maylis de Kerangal est à l’image du son récit : elle raconte l’urgence de la situation comme son aspect dramatique. Prévenir les proches qui arrivent abasourdis, à peine réveillés, semi-conscients, ne comprenant pas ou ne voulant pas savoir ce que les médecins s’apprêtent à leur annoncer. Elle décrit la machine hospitalière aussi, petite ville dans la ville où s’activent des centaines de gens pour sauver les autres, dans un espace si particulier, à la fois si actif et inactif, entre la vie et la mort. Elle nous présente les médecins, les infirmiers, tous plus qu’investis dans leur métier, qui ont parfois délaissé leur vie de dehors. C’est l’histoire d’un deuil, qu’il faut encaisser, avec tant de difficultés et d’incompréhension. Et c’est l’histoire de décisions qu’il faut prendre, Simon était-il généreux, voudrait-il ou non donner ses organes, après tout il y a des vies que l’on pourrait sauver grâce à lui.

C’est un roman qui traite un sujet très difficile, qui marque, qui touche. En lisant le livre, on se sent dans l’hôpital, martelé de ce deuil que l’on ne comprend pas. Maylis de Kerangal retranscrit toutes les émotions que l’on peut traverser avec une justesse impressionnante, n’oubliant rien, tous les passages, les regains d’espoir vains, l’incompréhension, la prise de conscience du drame sont évoqués avec des mots tranchants, qui vous percutent.

J’ai adoré ce livre de bout en bout. Comme souvent quand il s’agit d’un gros coup de cœur, j’ai la sensation que ma chronique ne lui rendra pas justice. C’est un livre que l’on referme et qui vous obsède encore, par sa force, son histoire comme ses mots, lâchés tels des bombes et pourtant si bien choisis. Je voulais pleurer pour Simon, sa famille, ses amis, réagir avec les médecins, qui doivent prendre des décisions dans l’urgence, décisions qui transformeront à jamais la vie des gens. Et je voulais danser avec les receveurs pour qui ce jour était synonyme d’une fête sans pareille.

C’est un livre qui en plus d’être très bien écrit est merveilleusement documenté. Je connaissais certains aspects du don d’organe, mais grâce à ce livre, j’ai compris comment se déroulait toute la procédure, réglée comme du papier à musique et qui implique de très nombreux acteurs.

Réparer les Vivants est une course contre la montre, contre la vie et la mort qui ne vous laissera pas indemne. Un énorme coup de cœur qui risque d’être inégalé avant un long moment.

“les deux contenus sous l’odeur douceâtre du plastique, et leur visage rougeoie sous l’étoffe cirée, leurs cils sont bleu marine, leurs lèvres violettes, leur bouche profonde et leur langue d’une infinie curiosité, ils sont sous la bâche comme sous un abri où tout résonne, le grain qui force au-dehors formant le tableau sonore où se greffent souffles et chuintements de salive, ils sont sous la bâche comme sous la surface du monde, immergés dans un espace humide et moite où coassent les crapauds, où rampent les escargots, où gonfle un humus de magnolias, de feuilles brunies, de boules de tilleul et d’aiguilles de pin, où stagnent les billes de chewing-gum et les mégots de cigarettes imbibés de flotte, ils y sont comme sous un vitrail qui recrée le jour terrestre, et le baiser dure.”

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