La Lectrice

Dans la forêt lointaine – Marie-Pierre Burtin

Un jeune homme en quête d’une mère qu’il n’a jamais vue. Une veuve esseulée qui n’ose pas lui dire que ce n’est pas elle qu’il cherche. Une fille qui voit d’un très mauvais œil l’arrivée de son nouveau frère. Dans un village qui cache de nombreux secrets, ils vont malgré eux déclencher des forces qui les dépassent. Et la montagne et ses escarpements, la forêt et ses labyrinthes se trouvent être un décor bien pratique pour enfouir les drames passés et préparer ceux à venir. Un premier roman traversant les générations, au cœur d’un huis clos contraint par une nature aussi fascinante qu’impitoyable.

**

Dans la forêt lointaine est l’un de ces livres de la rentrée littéraire d’hiver 2017 que j’avais très hâte de découvrir, pour plusieurs raisons. Déjà, je suis toujours très curieuse lorsqu’il s’agit d’un premier roman ; on attend de voir un style, une nouvelle plume, quelque chose qui se dégage pour se faire une idée du potentiel de l’auteur. En l’occurrence, je n’ai pas été déçue. De même, il y avait quelque chose dans cette histoire qui m’intriguait beaucoup : avec un résumé pareil, on s’attend forcément à des mystères et à des secrets de famille bien gardés.

L’auteur nous invite dans sa région, la Savoie, dans les montagnes près de Sallanches et des Molliets. C’est une région qui m’évoque pas mal de souvenirs, mais pas que des bons. Imaginez un Playmobil constipé sur des skis, qui arrive à s’ouvrir la joue avec son bâton parce qu’elle n’a pas freiné à temps et qu’elle a encore fait des roulés-boulés dans la neige et vous y êtes presque. Je n’aime pas le ski. Et même sans parler de sports d’hiver, je n’aime pas particulièrement la montagne. Il y règne une atmosphère trop sombre et sévère qui, sans parvenir vraiment à l’expliquer, m’oppresse complètement. Bonne nouvelle : sans évoquer neige ou remonte-pentes, Marie-Pierre Burtin évoque cette nature si particulière et m’a donné une nouvelle fois cette impression à travers son roman.

Rififi dans l’allée pavillonnaire

Toute l’action se concentre autour d’un petit village, ou presque d’une rue finalement, perdue au milieu de la montagne, dans l’allée des Orsières. Comme dans tous les villages, il y a toutes ces familles qui s’aiment ou se détestent de longue date, à tel point qu’elles-mêmes ne savent plus vraiment pourquoi elles se font la gueule. Il y a les animations sommaires, celles que l’on regarde de derrière les rideaux, en espérant ne pas se faire voir. Il y a les petites embrouilles entre les jeunes et les vieux, et les histoires que l’on provoque certainement plus par ennui qu’autre chose, comme lorsqu’on aime râler parce que la voisine est trop bruyante avec son piano. En apparence, un village plein de tensions, mais où il ne se passe rien. Dont les jeunes partent dès qu’ils en ont l’occasion et où les vieux restent en attendant qu’il se passe quelque chose.

Mais voilà quelque chose justement : un homme inconnu au bataillon a bien l’intention de camper là, car il dit vouloir rencontrer quelqu’un. Sa mère biologique. Cécile. Mais est-ce vraiment sa mère ? Et surtout, pourquoi cela déchaîne t-il autant de haine dans le village ?

“Cet homme posé là à l’entrée de notre impasse, cet après-midi, c’était comme cinq bémols mis à la clé : une de nos journées transcrite en mode mineur, identique et pourtant différente, sonnant autrement – notre printemps déjà touché par un automne et ses lointains brumeux, notre ici hanté par un ailleurs un peu louche, où le vent, dans les branches, fait courir des rumeurs.”

Je ne dis finalement que très peu de choses de l’intrigue, car c’est typiquement le genre de roman dans lequel il faut rentrer sans rien savoir. C’est un roman puissant, où la nature est presque un personnage elle-même, écrasant tout le monde sous son poids et son silence. Les histoires de familles se greffent à l’histoire du village, tout le monde s’en mêle et beaucoup de vieilles casseroles vont être ressorties des placards, quitte à ce que ça aille trop loin. Au final on se demande qui a les meilleures intentions et surtout : si il n’aurait pas mieux valu se taire.

Des secrets de la taille des montagnes

C’est une histoire folle de mensonges, de non-dits, de rumeurs et de manipulations dans un village en crise que nous présente Marie-Pierre Burtin. Elle déploie avec sagesse les détails d’une histoire sordide qui aura finalement beaucoup plus de conséquences que prévu.

J’ai par ailleurs beaucoup aimé sa plume, qui nous plonge directement dans le récit, car elle parvient facilement à adopter le point de vue de plusieurs personnages.

Ma seule réserve : j’ai parfois eu un peu de mal à suivre à partir de la deuxième partie du roman, car tous les points de vue qu’elle adopte se mélangent et parfois les voix s’emmêlent. De même, je n’ai pas forcément réussi à retenir en quelques pages tous les personnages et familles du village, donc quelques passages m’ont semblé un peu confus.

Malgré ces quelques faiblesses, Dans la forêt lointaine est un roman fort, qui vous embarque dans les vallées sombres d’une montagne qui absorbe tous les secrets et la misère, écrit d’une main de maître. A découvrir depuis quelques jours en librairie !

Dans la forêt lointaine ; Marie-Pierre Burtin

Editions Kero

4 janvier 2017

229 pages

2 Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *