Bakhita – Véronique Olmi
Prix du Roman Fnac 2017, sur la liste du Goncourt, Bakhita de Véronique Olmi aux éditions Albin Michel s’impose de par son succès comme l’un des romans incontournables de cette rentrée littéraire. Un succès bien mérité ou trop de bruit pour rien ?
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Bakhita, née au Darfour au milieu du XIXe siècle, est enlevée par des négriers à l’âge de 7 ans. Revendue sur un marché des esclaves au Soudan, elle passera de maître en maître, et sera rachetée par le consul d’Italie. Placée chez des religieuses, elle demande à y être baptisée puis à devenir sœur.
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Bakhita est le roman éponyme d’un destin hors normes, l’histoire d’une femme qui a connu le pire des hommes et y puise alors sa foi. C’est une tragédie sans nom, l’exemple d’une esclave parmi des milliers d’autres, traînée de maîtres en maîtres et de désillusion en désillusion.
Un personnage martyre méconnu
Lorsqu’elle lui remet le Prix du Roman Fnac 2017, Leïla Slimani (auteur de Chanson Douce et récompensé l’année dernière) dit à Véronique Olmi : “Je t’ai enviée d’avoir passé autant de temps avec un tel personnage”. Car Bakhita n’est pas qu’un personnage de papier mais un réel personnage historique qui a traversé son époque en ne demandant que le calme et le respect. D’abord enlevée dans son village du Soudan à l’âge de sept ans, elle traverse le pays de caravane en caravane, fuit parfois, mais est toujours rattrapée par d’autres négriers. Elle est revendue plusieurs fois, découvre des maîtres toujours plus atroces et inhumains, avant d’être rachetée par le consul d’Italie, qui lui fera quitter son continent. Près de Venise, elle trouvera la foi, et rêvera de devenir religieuse, pour être aimée du seul qui aime du juste, Dieu.
« Elle sait qu’il ne faut s’attacher à personne, qu’à Dieu. C’est ce qu’ils disent mais elle n’y croit pas. Ce qu’elle croit, c’est qu’il faut aimer au-delà de ses forces, et elle ne craint pas les séparations, elle a quitté tant de personnes, elle est remplie d’absences et de solitudes. »
Véronique Olmi reconnaît avoir découvert le portrait de Bakhita dans une église italienne, ce qui fut alors non pas une “révélation divine” mais plutôt une “rencontre spirituelle”. Bakhita est alors devenue une amie autant qu’un refuge et confie même avoir pendant deux ans, tout au long de l’écriture du roman, donné autant de nouvelles d’elle que de son personnage à chaque fois qu’on lui demandait comment elle allait. A travers ce roman, elle fait revivre ce personnage d’exception, le fait connaître au monde – et de façon superbe. Son écriture transcende, traverse le lecteur et ne peut le laisser insensible. Sa plume crue dévaste, et certaines scènes vont au-delà du soutenable.
Une esclave devenue religieuse et sanctifiée
Poignant, bouleversant et plus encore, Bakhita est un roman incroyable qui pour moi mérite totalement l’engouement général dont il fait l’objet. Il revient sur des parts d’ombre de l’histoire sans tomber dans le jugement facile, et rappelle à chacun les pires barbaries de l’homme – surtout celles que l’on a tendance à oublier. Véronique Olmi signe pour moi un roman incontournable de cette rentrée littéraire, autant par son sujet que par la façon dont il est traité.
“Ils avancent dans le bruit lourd des chaînes.Ils se traînent, frappent la terre de leur malheur. c’est le bruit du fer qui claque et gémit dans le vent. La longue file des épuisés et des mourants. Leurs grimaces de douleur et leurs lèvres brûlées. Leurs yeux aveugles. Leur peau déchirée. Et on dirait que ce n’est pas une caravane qui passe, mais une seule personne, une seule douleur qui pose son pas sur la plaine et l’écrase.”
Bakhita promet un moment de lecture éprouvant, mais particulièrement fort et inoubliable, et en cela il est un coup de cœur ; s’il n’est peut-être pas à mettre entre toutes les mains, il reste un roman incroyable sur une héroïne formidable malgré elle, et un témoignage criant sur les abominations des deux siècles derniers. Une véritable réussite !
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Bakhita ; Véronique Olmi
Editions Albin Michel
24 août 2017
457 pages
16 Comments
PrettyBooks
Un livre qui laisse des traces après sa lecture, j’en ai été bousculée et ne suis pas prête de l’oublier.
Laroussebouquine
Moi non plus, autant par son sujet que par la plume de l’auteur !
Miss Charity
Wahou quel bel article ! Ça me donne vraiment envie de découvrir ce livre
Laroussebouquine
C’est tout l’objectif ! Merci
Julie Dionaea
Assurément l’une de mes prochaines lectures 🙂
Laroussebouquine
J’espère que tu aimeras !
Electra
Je vais le lire mais sans doute au printemps prochain (le temps qu’il soit dispo à la BM) 😉
Laroussebouquine
Il faut attendre autant de temps ?
Electra
vu son succès … pour le De Vigan, j’étais genre 13eme sur la liste … LOL
CarnetParisien
Tu m’as donné très envie de le lire, il faut que je le sorte rapidement de ma PAL 🙂
Laroussebouquine
Mais ouiii !
Histoires d'en lire
Je l’ai commencé et, malgré la très belle écriture de l’auteur, j’ai dû le laisser de côté, je suis très sensible, et c’est une lecture trop éprouvante pour moi (je regrette d’ailleurs …)
Laroussebouquine
Je comprends. Certaines scènes sont vraiment insoutenables… J’ai vu l’auteur faire une lecture théâtrale de son roman, et c’était encore plus poignant. Certaines personnes en pleuraient rien que de l’écouter, et on comprend pourquoi !
anouklibrary
Un coup de <3 Un roman absolument magnifique, poignant. Vraiment, un roman qui ne peut s'oublier.
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